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gratifier les indigènes de cette région, plus industrieux que les habitans du sud, d’animaux domestiques, de graines et de racines. Les Néo-Zélandais avaient la plupart appris la valeur du fer ; ils n’estimaient plus rien au même degré que les haches et les clous. Survint une tempête d’une extrême violence, les deux navires furent de nouveau séparés ; la Résolution traversa le détroit et attendit l’Aventure au mouillage du canal de la Reine-Charlotte. Une tribu du pays, ayant été en expédition, avait rapporté un butin considérable et des corps qui furent mangés ; les Anglais virent les reliefs des repas des cannibales. Néanmoins Forster estime que le fond d’une baie de la côte nord de Te-Wahi-Pounamou serait un endroit très propice pour un établissement européen, à raison de la grande étendue de terre aisée à cultiver, facile à défendre contre de petites peuplades très clair-semées. Le fameux lin[1], dont les naturels se servent pour fabriquer vêtemens, nattes et cordages, très répandu dans la contrée, semblait alors appelé à devenir une précieuse matière pour l’industrie. La Résolution, ne voyant point paraître sa conserve, partit, se dirigeant vers le pôle.

Quelques semaines plus tard arrivait l’Aventure ; cette fois, le séjour du vaisseau britannique au canal de la Reine-Charlotte se trouva marqué par un de ces événemens lugubres qui témoignèrent en Europe de la férocité des insulaires de la Nouvelle-Zélande. Dix hommes composant un petit détachement furent massacrés sans qu’un seul échappât pour raconter les péripéties du drame. Deux ou trois années après, on en eut le récit de la bouche de plusieurs indigènes. Les gens de l’équipage du capitaine Furneaux dînaient assis sur l’herbe, entourés d’un certain nombre de naturels. Quelques-uns de ces derniers se mirent à dérober différens objets ; irrités, les matelots anglais frappèrent les voleurs, en tuèrent deux à coups de fusil ; furieux, les Néo-Zélandais, se précipitant sur la petite troupe, l’accablant par le nombre, assommèrent tous les malheureux marins. Au mois d’octobre 1774, Cook, allant des rivages de la Nouvelle-Calédonie, qu’il venait de découvrir, au détroit qui sépare Te-Ika-a-Mawi de Te-Wahi-Pounamou, rencontra sur la route, un peu au-delà du 29e degré de latitude, l’île de Norfolk[2]. Sur cette île, fort éloignée de toute autre terre, les naturalistes de l’expédition observèrent plusieurs des végétaux qui croissent à la Nouvelle-Zélande. C’est la première indication de faits d’une haute importance dont nous aurons à nous préoccuper par la suite.

Au retour de sa seconde campagne dans la Mer du Sud, Cook,

  1. Le Phormium tenax, déjà observé par Banks, décrit et représenté pour la première fois par Forster.
  2. Par 29° 2’ 30" de latitude australe et par 168° 10’ de longitude orientale du méridien de Greenwich.