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Sans doute, l’administration forestière, composée d’hommes spéciaux et désintéressés, a le plus souvent opposé une certaine résistance à ces tendances abusives, et c’est grâce à elle que le mal n’a pas été plus grand ; mais comme après tout c’est le ministre qui décide et qui choisit les hommes, il n’est pas étonnant qu’il se soit presque toujours placé au point de vue qui le préoccupait tout d’abord, c’est-à-dire au point de vue exclusivement financier. Qu’il y ait eu des esprits élevés qui aient envisagé les choses d’une autre façon, cela n’est pas douteux ; mais c’est dans les institutions et non dans les hommes qu’il faut placer la sauvegarde des intérêts sociaux. Or ici l’esprit fiscal et l’esprit cultural sont en contradiction, puisque l’un cherche à créer des ressources immédiatement disponibles, tandis que l’autre tend avant tout, même au prix de sacrifices temporaires, au développement de la richesse et de la production territoriales.

Ces raisons, cependant si péremptoires, n’ont pas paru assez concluantes à l’assemblée nationale, qui, malgré les discours éloquens de MM. Corne et Cézanne, a repoussé, grâce aux efforts du ministre des finances, par 833 voix contre 253 le projet de la commission. Le principal argument qui a décidé ce vote a été la nécessité de faire contrôler la gestion des agens de l’administration forestière par les inspecteurs des finances, dont tout le monde s’est plu à reconnaître la haute capacité. Le ministre avait perdu de vue dans cette circonstance que les agens forestiers ne sont comptables à aucun degré ; que leurs fonctions consistent à gérer les forêts, dont les revenus entrent dans les caisses publiques par l’intermédiaire des trésoriers payeurs-généraux ou des receveurs des domaines, sans qu’ils aient eux-mêmes à toucher un centime ; que par conséquent, s’il est naturel de confier le contrôle financier aux inspecteurs des finances, il est absolument illogique de les charger également du contrôle technique, pour lequel ils sont incompétens. C’est faute d’avoir saisi cette distinction que l’assemblée nationale a émis le vote dont nous venons de parler. Cependant, avec une bonne foi qui l’honore et bien rare chez la plupart des hommes politiques, M. Léon Say, en reprenant le ministère le 13 décembre dernier, a loyalement déclaré qu’il s’était trompé en défendant en 1873 le maintien de l’administration forestière au ministère des finances ; il a déclaré que la véritable place de celle-ci était au ministère de l’agriculture et du commerce, et c’est sur sa demande que cette translation a été décrétée. Cette conduite lui fait trop d’honneur pour que nous ne nous empressions pas de l’en féliciter hautement.

Voici donc cette administration placée dans les attributions du