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se rapprochant et se mêlant par les chemins de fer, par le commerce, par les intérêts, par l’armée, par la politique, par les institutions. L’unité de l’Italie est faite, il faudrait une intervention étrangère pour la briser, une occupation étrangère pour l’empêcher de se reformer.


V

Le royaume laissé par Victor-Emmanuel n’est pas, comme l’empire d’un Charlemagne ou d’un Napoléon, une de ces constructions arbitraires que le temps ne saurait respecter, parce qu’elles violent les lois mêmes de la nature. Une Italie est aussi naturelle qu’une France, elle ne saurait être détruite que pour renaître ; une seule chose peut prêter au doute : l’unité italienne sera-t-elle maintenue par les institutions et par la dynastie qui l’ont fondée ? ou bien la monarchie et la maison de Savoie doivent-elles disparaître après assoir rempli leur mission historique ? On a souvent dit chez nous, comme un droit imprescriptible pour la monarchie légitime, que la France avait été faite par ses anciens rois. A combien plus forte raison peut-on dire de l’Italie qu’elle a été créée par la maison de Savoie ! C’est là un titre de propriété encore trop récent pour être périmé et ne point conserver une réelle valeur. La famille qui a réuni autour d’elle les provinces éparses de la péninsule a si bien lié ses destinées à celles de l’Italie que pour longtemps elles semblent inséparables.

La royauté italienne a aujourd’hui deux sortes d’adversaires : les ennemis de toute monarchie, les partisans des princes déchus. La maison de Savoie est attaquée des deux bords opposés, ce qui la met dans une situation assez analogue à celle de la monarchie de juillet chez nous. C’est toujours pour un trône un danger ou une faiblesse que de n’être point appuyé sur toutes les forces conservatrices du pays ; c’est là ce qui en France fait la débilité de toutes nos monarchies, ce qui en rendrait encore le maintien précaire. C’est là aussi le côté faible ou le défaut de la monarchie italienne. Sous ce rapport même cependant, la maison de Savoie est mieux assise en Italie que ne l’était en France la royauté de 1830 ou l’empire de 1852. La dynastie italienne a des adversaires de droite, sans avoir réellement de concurrens au trône, sans avoir en face d’elle des maisons rivales prêtes à recueillir sa succession. Les anciennes dynasties de la péninsule sont tombées sans laisser de racines en terre. Il n’y a point, à proprement, parler, de parti légitimiste, il n’y a qu’un parti religieux, papalin, clérical, et chez ce dernier, parmi le clergé comme parmi les laïques, les idées