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au moins, une des conditions d’existence de l’Italie nouvelle. La maison de Savoie n’est pas seulement le symbole vivant de la nationalité italienne ; c’est le lien le plus sûr de l’unité, c’est le nœud qui tient le plus solidement réunies les provinces de la péninsule. La rupture du lien monarchique menacerait de briser temporairement l’état et de déchirer la nation pour ne les laisser se reformer qu’au prix de nouvelles souffrances et de nouveaux sacrifices.

La maison de Savoie est une des dynasties de l’Europe dont l’avenir paraît le moins incertain, parce que c’est une des plus nécessaires à son peuple. De toutes les familles souveraines du continent, c’est peut-être celle qui, selon la promesse du roi Victor-Emmanuel, s’est montrée la plus capable de concilier le progrès des peuples avec la stabilité des monarchies[1]. Il n’y a pour la maison régnante et pour l’Italie que deux dangers sérieux, l’un au dedans, l’autre au dehors. Le premier, ce serait une politique d’exclusion et de division qui ferait de la royauté, au lieu d’une autorité modératrice et d’un balancier régulateur, l’instrument inerte d’un parti ou d’une secte. Le second écueil, ce serait une politique d’aventures et d’intempestives revendications qui compromettrait les grandes conquêtes du dernier règne pour des avantages douteux, médiocres ou précaires. Contre le premier de ces périls, les amis de l’Italie peuvent être rassurés par les sentimens de l’héritier et du disciple de Victor-Emmanuel ; contre le second, par le bon sens et les intérêts de la nation, qui a trop besoin de paix pour n’être pas pacifique. L’Italie, veuve de son premier roi, n’a pour donner à l’Europe ce que la civilisation est en droit d’attendre d’elle qu’à demeurer fidèle à la mémoire et aux traditions de celui dont elle déplore la perte.


ANATOLE LEROY-BEAULIEU.

  1. Proclamation du roi Victor-Emmanuel en octobre 1860.