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sur l’attitude prise ou à prendre par le gouvernement de l’empire. » Disons tout de suite que le télégraphe a très inexactement rendu le langage tenu par M. de Bismarck dans la séance du 19 février. Le prince-chancelier a pris trois fois la parole dans le cours de la discussion pour répondre à divers orateurs : de là l’incohérence apparente de l’unique discours qu’on a mis dans sa bouche, en le composant d’emprunts à trois allocutions distinctes. Le premier de ces discours a eu pour objet de définir la neutralité de l’Allemagne, qui veut bien jouer entre la Russie et l’Autriche le rôle d’intermédiaire officieux et de conseiller amical, « d’honnête courtier, » pour se servir du mot employé par M. de Bismarck, mais non le rôle d’un arbitre ou d’un juge, qui a pu donner des avis, mais qui a refusé en toute occasion et refusera toujours de peser sur les décisions d’un de ces deux empires au profit de l’autre, ne voulant donner de grief à aucun des deux : il se termine par la déclaration catégorique que l’Allemagne ne saurait manquer à une amitié séculaire et, au mépris des services rendus, contribuer à violenter la Russie. Il semblait donc que le chancelier penchât décidément en faveur de la Russie ; mais M. Windthorst, qui a pris la parole immédiatement après M. de Bismarck, a donné une explication spirituelle et probablement juste de ces effusions de reconnaissance et d’amitié à l’adresse de la Russie. « Je considère, a dit cet orateur, que le discours de M. de Bennigsen, qui n’a pas fait son interpellation sans être approuvé, et celui du chancelier ne forment qu’un tout : ces discours se complètent l’un par l’autre ; et si, à ma grande satisfaction, M. de Bennigsen a proclamé que l’intérêt de l’Autriche est aussi le nôtre, j’ai cru, à entendre le chancelier, qu’il jugeait utile, pour faire contre-poids à cette déclaration, de donner à la discussion un ton plus accentué dans le sens russe. » M. Windthorst ajoutait qu’il avait eu besoin d’être rassuré par la connexité qu’il avait remarquée entre les paroles de M. de Bennigsen et celles de M. de Bismarck ; qu’autrement il aurait pu craindre qu’on ne se fût volontairement aveuglé sur les desseins de la Russie. Piqué au vif par les sarcasmes de l’orateur catholique, M. de Bismarck reprit la parole pour contester avec âpreté qu’il eût jamais perdu de vue les vrais intérêts de l’Allemagne. « Je puis assurer M. Windthorst, dit-il en terminant, qu’il n’a pas besoin de défendre vis-à-vis de nous les intérêts de l’Autriche. Nos rapports avec l’Autriche sont ceux de la réciprocité, de la pleine franchise et de la confiance mutuelle, et ce n’est pas seulement de monarque à monarque, de gouvernement à gouvernement, — non, je suis personnellement avec le comte Andrassy, à ma grande joie et à mon bonheur, dans des relations amicales qui lui donnent la possibilité de me poser ouvertement toute question qu’il