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On sent toujours chez Emile Augier cette franche et généreuse sève française où la verdeur n’exclut pas la grâce, où la gaîté ne nuit pas au sentiment, où l’esprit ne dégénère jamais en sécheresse parce que le talent de l’auteur a ses racines dans un fond bien sain et bien humain. Le grand mérite de l’auteur des Fourchambault, c’est d’être sincère et de ne chercher à faire naître l’émotion que par des moyens qui agissent directement et naturellement sur le cœur du public. Il n’est pas l’homme des biais, des tours de passe-passe, des excitations factices destinées à agir par surprise sur les nerfs de l’auditoire ; il va droit au but avec une franchise qui est l’honnêteté dans l’art. Aussi jamais larmes, jamais acclamations enthousiastes n’ont été arrachées plus loyalement aux spectateurs que dans cette grande scène du cinquième acte où Léopold Fourchambault, exaspéré par les sanglantes apostrophes de Bernard, s’emporte jusqu’à le souffleter. — Ah ! s’écrie l’enfant naturel après un mouvement de colère brusquement réprimé, comme il est heureux que tu sois mon frère ! .. — Puis, après de rapides explications, Léopold Fourchambault, stupéfait et humilié, baisse la tête, et Bernard lui tend la joue avec ce seul mot : — « Efface ! »

Je ne crois pas que depuis longtemps on ait vu au théâtre une scène aussi simple, aussi sobrement traitée, produisant un pareil frémissement d’émotion dans la salle. Les Fourchambault, remarquablement interprétés par MM. Got, Coquelin, Thiron et Mlle Agar, sont le seul vrai succès de la saison théâtrale de cet hiver, mais il faut reconnaître que ce succès éclatant compense largement les déceptions causées au public par la demi-réussite ou la chute de certaines pièces annoncées longtemps à l’avance avec grand fracas. Celle-ci n’a pas été précédée de réclames pompeuses, on n’y voit ni décors extraordinaires, ni mise en scène d’un luxe extravagant. L’accueil enthousiaste qui lui a été fait n’est dû qu’au talent robuste et sain de l’auteur, au jeu excellent des interprètes ; ce résultat est à la fois tout à l’honneur de M. Emile Augier, du public et de la Comédie-Française.


ESSAIS ET NOTICES.

Dictionnaire de l’Académie française, 7e édition, 2 vol. in-4o, Firmin Didot, 1778.


L’Académie française vient de publier la septième édition de son dictionnaire, du dictionnaire que lui avait prescrit son glorieux fondateur, le cardinal de Richelieu, et dont le premier rédacteur fut Vaugelas. Le rédacteur de cette septième édition est M. de Sacy. De Vaugelas à M. de Sacy, de la première édition à la septième,