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grec, celle où le sculpteur florentin s’est tenu le plus près de ces modèles que lui offrait cette première collection des Médicis, formée par Côme et par Laurent, qui fut si follement pillée et dispersée en 1494, après l’expulsion de Pierre II ; mais déjà, par elle-même, cette statue suffisait à montrer que jamais Michel-Ange ne serait capable de se renfermer dans un cadre tracé d’avance, que jamais il ne saurait se restreindre au rôle de disciple et d’imitateur. Le mouvement de cette figure est moins contourné et plus calme, la forme en est plus pure et plus sobre que dans aucune autre figure du maître ; mais le caractère particulier du dieu, mais le rôle spécial qu’il joue dans le panthéon grec sont accusés ici par des traits plus marqués que dans la statuaire grecque. Ainsi, à côté de Bacchus, et à demi caché par lui, un Faune enfant porte en avant sa tête rieuse, tendue vers une grappe de raisin où il mord à belles dents. C’est l’instinct dans toute sa naïveté, l’appétit qui se satisfait. Le dieu reste au contraire noble et fier, jusque dans l’ivresse qui commence. Celle-ci, on la devine dans le geste du bras droit qui soulève la coupe pleine et dans tout le mouvement du corps qui semble chanceler, mais sans laisser craindre la chute, tant il reste souple et ferme, tant on y sent de jeune sève et de force en réserve ! Quant au visage, l’expression n’en va pas jusqu’à l’égarement ; mais c’est déjà l’extase et le rêve.

L’Adonis est aussi, comme nous dirions, une étude d’après l’antique ; mais il est postérieur de quelques années au Bacchus, et déjà l’originalité de Michel-Ange et sa manière propre s’y accusent davantage, soit dans les lignes un peu tourmentées de la composition, soit dans le caractère général des formes. Celui du visage, comme le remarque M. Guillaume, mérite une très grande attention ; il nous montre, arrivé à sa complète détermination, le type de tête que Michel-Ange reproduira toute sa vie. Par les traits et l’arrangement de la chevelure, c’est celui que nous offre, plus arrêté et plus frappant encore, la statue où l’on croit reconnaître Julien de Médicis, duc de Nemours. Une autre figure que possède aussi le musée, c’est l’Apollino, ou l’Apollon occupé à remettre une flèche au carquois, que le sculpteur exécute, après la rentrée des Médicis, pour Baccio Valori y celui-ci avait contribué à faire amnistier Buonarotti, proscrit pour la part qu’il avait prise à la révolte et à la défense de Florence. Dans cette œuvre robuste et fière, qui n’est pas sans analogie avec les figures d’esclaves ébauchées pour le tombeau de Jules II, Michel-Ange, qui a dépassé alors le milieu de sa carrière, se montre encore plus indépendant à l’égard de la tradition classique. Dès cette époque, il est tout entier dans le moindre morceau de marbre que son ciseau a touché ou même effleuré ; l’ébauche même la moins