Page:Revue des Deux Mondes - 1878 - tome 27.djvu/154

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

à Vallombreuse ! Encore plus d’un morceau précieux aurait-il, selon toute apparence, échappé à ces recherches.

Depuis que la sculpture florentine a été remise en honneur par la fondation d’un musée où les œuvres principales en ont été recueillies et rapprochées, elle a exercé sur notre école française de sculpture, si riche en talens distingués, une influence que l’on ne saurait méconnaître. Il est dangereux de vouloir imiter Michel-Ange, dont l’art est le plus personnel qui soit au monde ; pour retrouver son style, il faudrait avoir, avec sa science prodigieuse, son âme orageuse et profonde. Michel-Ange a porté malheur à tous ses imitateurs du XVIe siècle ; leurs œuvres ambitieuses et tourmentées, qui visent au grand et ne l’atteignent pas, forment la partie ennuyeuse du Musée national ; il suffit de citer les noms de Baccio Bandinelli, de Vincenzio Danti et de Vincenzio Rossi. Seul, Jean Bologna, dont le Mercure est vraiment une belle chose, s’est souvent inspiré avec bonheur de l’esprit du maître. Chez nous, tout récemment, la même ambition a été plutôt funeste à un artiste très heureusement doué, Carpeaux ; il aurait gagné, sinon au point de vue des succès d’un jour, tout au moins en renommée durable, à ne point prétendre, comme on dit, faire du Michel-Ange. De Ghiberti à Donatello, les autres Florentins se prêtent mieux à servir de maîtres et de modèles. Ils ne transfigurent et n’agrandissent pas la nature, comme l’ose Michel-Ange, mais ils l’étudient et l’interprètent avec une merveilleuse intelligence ; ils peuvent enseigner ainsi à en pénétrer tous les secrets, à saisir et à rendre ces traits et ces accens qui donnent à chaque variété de la forme son sens et sa valeur propres, à chaque exemplaire du corps et du visage humain son originalité vivante, son expression particulière et unique. En un mot, ils apprennent à rechercher surtout ce que l’on appelle le caractère.

Or ce qui nous frappe chez quelques-uns des plus jeunes et des plus célèbres parmi les sculpteurs contemporains, c’est justement cette préoccupation et cet effort. Nous pourrions alléguer bien des noms ; mais, pour expliquer notre pensée, ce sera bien assez d’en rappeler deux, qui sont déjà populaires, ceux de MM. Dubois et Mercié. Tout rare que soit leur talent, ces artistes éminens sont « nés trop tard, dans un siècle trop vieux, » comme dit le poète, pour avoir la prétention de ne relever que d’eux-mêmes, de ne se rattacher à personne ; aujourd’hui quiconque écrit, peint, sculpte ou bâtit recommence nécessairement à sa manière et dans la langue de son temps quelque chose qui a été tenté et fait avant lui ; il a quelque attache, dans le passé. Nous ne croyons donc pas faire injure à MM. Dubois et Mercié, ni à aucun de leurs émules, en affirmant