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pays, descendent de leurs homonymes de ce temps. Le nom original disparaissait alors dans celui de la terre, qui donne ainsi aux familles une perpétuité purement fictive : les terres avaient beau se vendre, le nom qui les désigne restait et se transmettait aux nouveaux possesseurs. Noblesse à part, cette famille de Gouberville était considérée, estimable et bien posée. Cela n’empêche pas de se produire certains traits de mœurs. Sans quitter le manoir, nous acquérons la preuve que la bâtardise n’était ni rare ni très déshonorante aux yeux des faciles contemporains du seigneur de Brantôme. Si l’on en juge par ce qui s’y passe, ni ceux qui en sont, on peut à peine dire entachés, ni ceux qui s’en avouent publiquement les auteurs ne semblent en rougir. Parmi les frères et sœurs du châtelain du Mesnil-au-Var, deux sont illégitimes. Cette sœur et ce frère illégitimes font pour ainsi dire partie de la famille, bien qu’à un rang inférieur, mais sur le pied de la plus vive affection. Il est souvent question de Guillemette, laquelle n’est autre que cette sœur aînée venue au monde avant le mariage du père de notre châtelain. Guillemette, dont Gilles de Gouberville ne prononce le nom qu’avec tendresse, la famille se cotise pour la doter ; c’est l’oncle le curé qui bénit le mariage, et les noces de Guillemette sont célébrées avec de grandes réjouissances dans le château du Mesnil-au-Var.

Gouberville ne paraît pas aimer moins tendrement son frère bâtard. Il ne peut se passer de Symonnet. Il le traite en ami, malgré quelques vivacités qui sentent le supérieur. Quel aimable et bon compagnon que ce Symonnet ! Comme sa présence éclaire ce journal, d’un rayon de jovialité ! Symonnet veut se faire marin. Mais comment Gouberville pourrait-il vivre sans ce compagnon de son existence et de ses travaux ! Comprend-on un voyage, une partie de plaisir sans Symonnet ? « Il faisait, dit M. Tollemer, tout ou rien dans le manoir, chassant un jour, labourant un autre, suivant son frère Gilles de Gouberville dans la plupart de ses excursions, boudant sans raison contre lui et revenant de même…, aimé de tous pour son entrain en toutes choses. » Nous ne sommes pas à la fin de cette galerie d’originaux. Qui à ce titre peut valoir Cantepye, le mari de Guillemette, traité sur le pied de beau-frère par le châtelain de Mesnil-au-Var ou au-Val ? Il s’appelait Langlois, portait le surnom de Cantepye, transmis héréditairement, je ne sais pourquoi dans la famille ; il était écuyer, homme important, passait une partie de sa vie au château, toujours suivi par un laquais, mêlé dans toutes les affaires de ventes et d’achats de Gouberville, qu’il défend en toute occasion unguibus et rostro. Il est présent au tribunal toutes les fois que celui-ci a un procès, et sait le faire respecter et se faire respecter lui-même par des voies de fait trop habituelles