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Il aimait, le cas échéant, à se faire beau, brave, comme on disait alors, à se parfumer comme tous les gentilshommes et à se bien costumer. Il se représente lui-même, dans une de ses notes, « vêtu de sa belle robe de droguet, fourrée de peau de loup et de lombarde. » Enfin il quitte Blois, sans avoir rien obtenu, sinon des promesses peut-être. Il note quelques épisodes de ce voyage qui, lorsqu’il fut terminé, avait duré en tout 93 jours, et lui avait coûté 108 l. 8 s. 6 deniers, en frais d’hôtel, sans parler des acquisitions nombreuses qu’il avait faites à Blois et ailleurs. A Rouen, dans un de ces hôtels où il passa deux ou trois jours, il joue le déjeuner avec le sieur de Franqueville. Jouer le déjeuner était encore une de ces habitudes de nos gentilshommes de campagne. Mais voici qui est tout autrement grave. Le sieur de Franqueville se prend le soir de dispute avec la dame du logis, tant et si bien que « s’entre-battirent, et y eut grosse querelle ; car le mari s’y mesla et le gendre de Saint-Roc de Caen. Néantmoins on les appesa le myeux qu’on peust. Ladicte dame eut un coup d’épée à la jambe. » — De tels coups d’épée ou d’autres armes dans des combats avec des femmes ne sont pas un fait isolé dans ce journal. Ce chapitre des vieux usages dans notre France, ce pays de la galanterie, n’avait guère encore été signalé.

Profitons du retour de notre châtelain dans son manoir pour nous rendre compte des rapports du maître avec les serviteurs, du châtelain avec les alentours. La bonne harmonie règne au Mesnil-au-Val, et tout donne l’idée de mœurs empreintes de bonhomie, sans morgue hautaine, sans hostilité de classe à classe. On ne saurait voir un maître meilleur, mais il veut être obéi, et son humeur est irascible. Les serviteurs ont aussi leurs coups de tête, les servantes surtout. Gouberville note à plus d’une reprise qu’une telle servante est « partie dès le fin matin sans dire adieu. » Il est rare que la fugitive ne revienne pas et qu’il ne se laisse aller à pardonner. Au reste, il semble, d’après ce manuscrit, que tout le monde alors avait la main prompte. Le sire de Gouberville est sujet à châtier un peu rudement ceux qu’il aime. Il en est quitte le soir pour inscrire les coups en conscience comme tout le reste. — 24 août 1555 : « Je battis Cantepye au matin parce qu’il avait battu Raoul. » Voilà pour Cantepye, puni, semble-t-il, en vertu de la loi du talion. Le 13 juin 1556, il note en caractères grecs, comme il fait quand il a un peu honte, la correction qu’il avait donnée à son cher frère Symonnet : « Ledict jour, je battis Symonnet, pour ce qu’il m’avoyt contemné en quelques propos. » Il châtie de même façon son fidèle serviteur Lajoie, « qui avoit laissé la porte du manoir de Russy toute grande ouverte pour aller