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français paysans. « Les villes, dit M. Paparrigopoulo, formaient donc comme les îles d’un archipel dispersées sur la mer des nations indigènes de l’Asie ; mais elles assimilèrent peu à peu ces peuples par la supériorité de leur organisation et de leur civilisation, par leur langue surtout, qui, incessamment propagée, finit par les absorber à peu près complètement. »

Cette période, à laquelle on peut donner le nom d’hellénisme oriental, fut pour l’antiquité l’âge scientifique par excellence. Tant que les Grecs habitèrent une péninsule resserrée, de petites îles et d’étroits rivages, ils n’eurent point à se préoccuper vivement de ce qui se passait dans le reste du monde et ils se livrèrent presque sans partage à la culture des lettres et des arts, à la politique intérieure et à la philosophie. Mais, quand ils se virent transportés sur les vastes continens de l’Asie et de l’Afrique, sillonnés de grands fleuves, parcourus par de longues caravanes, éclairés par d’autres cieux et où les hommes parlaient d’autres langues, ils comprirent que le temps des rêves était passé et que la vie prenait pour eux un caractère positif qu’elle n’avait point eu auparavant. Les sciences mathématiques, l’astronomie et la géographie, la mécanique, l’histoire naturelle et les autres sciences d’observation furent cultivées avec éclat sur tous les points du monde hellénique. En même temps les grands travaux publics furent poussés avec une activité surprenante : on ouvrit le canal du Nil à la Mer-Rouge ; les ports furent améliorés, les rivages éclairés par de nombreux fanaux, entre lesquels le phare d’Alexandrie occupa le premier rang ; on améliora les grandes routes des caravanes, notamment celle qui de l’Inde septentrionale gagnait la Mer-Noire et amenait les marchandises aux Comanes, grand marché central de l’Asie-Mineure. C’est alors aussi que la circulation des valeurs fut facilitée par la création des lettres de change et des banques, et qu’on vit apparaître les grands dépôts de numéraire. Ainsi, au temps où Athènes avait été le plus riche, son trésor renfermait 1,000 talens ou 5 millions 1/2 de francs environ ; sous le second Ptolémée, l’inventaire royal constata l’existence de près de 3 milliards 1/2. L’empire des Séleucides n’avait rien à envier, quant à la richesse, à celui de l’Égypte, puisque, si l’Égypte bénéficiait de tout le commerce maritime qui prenait la voie de la Mer-Rouge, la région de l’Euphrate et du Tigre bénéficiait du commerce de terre de presque toute l’Asie orientale, même de celui qui, prenant la route du nord, redescendait de la mer Caspienne vers ces grands fleuves. On peut juger par là de quelle masse énorme de valeurs la fortune publique et privée de l’hellénisme oriental se trouvait en possession.

Mais cette transplantation et cette prospérité des Hellènes ne leur avaient pas donné l’unité nationale, sans laquelle le peuple le