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franchement panthéiste comme le platonicien Porphyre. Quatre conciles œcuméniques résolurent ces questions ; ceux de Nicée et de Constantinople au IVe siècle fixèrent définitivement les formules de la foi, telles qu’elles sont restées depuis lors dans toute l’église chrétienne. « Ce fut l’œuvre la plus considérable de l’hellénisme en Orient. Par ce symbole, l’humanité se trouve encore aujourd’hui sous son influence, puisque c’est lui qui a posé sur la question de la divinité les limites que les consciences chrétiennes n’ont pas encore osé franchir. » Pourtant la liberté de la pensée, défendue par les savans païens, dura deux siècles encore ; elle ne périt finalement que quand Justinien eut interdit tout autre enseignement que l’enseignement chrétien. M. Paparrigopoulo estime que la métamorphose de l’hellénisme avait commencé deux siècles avant Jésus-Christ, c’est-à-dire une centaine d’années après la mort d’Alexandre ; si elle ne fut complète qu’au VIe siècle, elle avait donc mis plus de sept cents ans à s’accomplir. Et l’on doit même ajouter que le sud du Péloponèse était encore païen trois siècles plus tard.

Quand un peuple change de religion, surtout avec une telle lenteur et par l’effet d’un travail intellectuel et conscient, perd-il sa race et sa nationalité ? Non, sans doute ; mais son rôle dans l’humanité devient tout autre qu’auparavant. Les qualités de son esprit ne sont ni amoindries ni augmentées, mais elles peuvent être altérées dans leur exercice et appliquées autrement qu’elles ne l’eussent été. Aussi l’œuvre intellectuelle, morale et politique de l’hellénisme devenu chrétien fut-elle toute autre que celle des anciens Hellènes. Les doctrines nouvelles adoptées par lui contribuèrent à sa conservation, mais elles engendrèrent aussi des luttes intestines qui l’affaiblirent ; elles l’isolèrent des autres peuples chrétiens et furent pour beaucoup dans la catastrophe du XVe siècle. Constantin, « qui abhorrait l’ancienne Rome » à cause de son paganisme, ne songea jamais à lui opposer le monde hellénique ; en créant Constantinople, il se proposait uniquement d’y édifier une Rome chrétienne, mais latine, qu’il substituerait à l’ancienne. Mais il agissait dans un milieu grec ; il arriva que ce milieu réagit sur son œuvre et qu’en peu d’années la nouvelle ville devint la capitale d’un empire d’Orient et se trouva totalement hellénisée. La condamnation des hérésies, qui eut lieu à la même époque, donnait au monde hellénique, du moins en apparence, cette unité vers laquelle il aspirait depuis tant de siècles ; la création d’une capitale la lui donna en réalité. La conquête romaine avait effacé la distinction des Ioniens et des Doriens, et fait rentrer dans l’orbis romanus les royaumes issus de l’expédition d’Alexandre ; en mettant tous les Grecs sous un même niveau, elle avait ôté entre eux toute différence. Quand