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Le soir de cette journée, qui ne s’était point écoulée sans émotion à la Banque, le marquis de Plœuc se promenait dans la cour lorsqu’il fut accosté par M. de la Rozerie, arrivant de Versailles ; il apprit par lui que le gouverneur ne reviendrait pas. M. Rouland était convaincu que son absence ne serait pas de longue durée ; il croyait fermement, et tout le monde croyait comme lui, que la résistance à l’insurrection s’organisait et se fortifiait dans Paris. Le gouvernement de Versailles, appuyé par une délégation parlementaire que l’on appelait la commission des quinze, semblait formellement décidé à faire un essai simultané de conciliation et de répression. À cet effet, le lendemain, vendredi 24 mars, une députation des membres de l’assemblée nationale, escortée d’un corps de troupes d’environ 1,500 hommes, devait pénétrer dans Paris et tâcher de mettre fin à la révolte par la persuasion ou par la force. Dans ce dessein, les députés se seraient réunis aux maires qui négociaient avec le comité central, et les soldats auraient donné la main aux gardes nationaux groupés sous le commandement de l’amiral Saisset. Il est possible que cet effort eût échoué, mais il eût du moins été honorable de le tenter. Dans la journée du 23 mars, à Versailles, la résolution paraissait définitivement arrêtée ; on en parlait sans mystère dans les couloirs de l’assemblée, quelques généraux donnaient même volontiers des détails fort rassurans et disaient qu’il suffirait de deux compagnies de fusiliers marins pour bousculer les fédérés cantonnés à Levallois-Perret et ressaisir les communications par voie ferrée entre Paris et Versailles. Ces nouvelles, M. de la Rozerie avait été chargé de les communiquer au marquis de Plœuc et de les faire connaître à qui de droit dans les mairies du Ier et du IIe arrondissement. C’était un peu d’espoir qui venait soulager les cœurs, mais ce ne fut que cela. Nul soldat de Versailles n’apparut le lendemain, et nul député à l’assemblée nationale ne vint marcher contre l’émeute, comme l’avaient fait les représentai du peuple en 1848, pendant l’insurrection de juin.

La journée du 24 fut calme à la Banque, malgré les cris de Vive la France ! et de Vive la commune ! que l’on poussait autour de la mairie du IIe arrondissement, malgré la promenade de canons chevauchés par des femmes ivres, malgré les roulemens de tambours et les sonneries de clairons. Ce jour-là, à la suite de la négociation menteuse entreprise par Brunel, on crut que l’œuvre de conciliation était enfin terminée, et l’on éprouva une joie qui ne dura guère, car on ne tarda pas à comprendre que toutes les chances d’une entente pacifique venaient de s’évanouir et que Paris allait entrer dans la nuit de l’inconnu. Le soir, M. de Plœuc se rendit à la mairie du IIe arrondissement, où les maires devaient ratifier le prétendu traité dont on les abusait, où les délégués du comité central arrivèrent