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Rome et l’Italie demandaient au successeur d’Alexandre III et de Jules II de bénir la guerre libératrice, et de se joindre aux défenseurs de la commune patrie. Déjà depuis longtemps les manifestations belliqueuses se succédaient à Rome et dans les principales villes de province. L’Autriche, en occupant Ferrare, en levant dans les villes de l’état romain des contributions de guerre, avait depuis plusieurs mois donné à la cour de Rome le plus juste des griefs. Pie IX semble avoir ressenti en prince et en Italien l’outrage fait à sa souveraineté, il avait protesté, envoyé des notes en Autriche, distribué des armes à ses sujets, laissé enrôler des volontaires. Les troupes pontificales étaient même parties pour la frontière, mais, quand le général Durando fut aux confins du territoire autrichien, la cour de Rome lui interdit d’y entrer. Le 29 avril, le pape annonçait dans une allocution que le vicaire d’un Dieu de paix ne pouvait faire la guerre et que le père commun des fidèles embrassait d’un égal amour tous les peuples chrétiens. Ce dénoûment était à prévoir, ce n’en fut pas moins dans toute la péninsule une immense déception. Le charme était rompu ; l’Italie, désenchantée, ne vit bientôt plus dans le trône pontifical qu’un obstacle à sa libération.

Il n’est pas besoin d’expliquer les incertitudes, les anxiétés, les inconséquences, les contradictions de Pie IX ; l’hybride souveraineté romaine l’y condamnait. Dans le pape-roi, il y avait deux hommes, le prince et le prêtre, le chef d’état et le chef de l’église. Ces deux personnages, la révolution les mettait aux prises. La mission nationale du prince italien, était en conflit avec la vocation cosmopolite du vicaire du Christ ; le pape avait à choisir entre ses devoirs de souverain temporel et ses obligations de pasteur des âmes. La répulsion des deux pouvoirs si longtemps confondus dans la même personne ne pouvait manquer d’éclater, en un siècle qui demandait au prince d’être toujours patriote et au pontife d’être toujours ecclésiastique. L’une des deux fonctions devait dominer, subjuguer l’autre : dans cette lutte entre les deux caractères dont il était revêtu, Pie IX pouvait-il hésiter longtemps ? Le chef de la catholicité devait naturellement l’emporter sur le petit souverain de Rome. Le bras du prince se trouva paralysé par les lourds vêtemens du pontife. Le pape était tenu de sacrifier les intérêts de son petit état et de sa patrie terrestre aux intérêts sacrés de l’église et du saint-siège.

En refusant de déclarer la guerre aux ennemis de l’Italie, Pie IX n’avait fait qu’obéir à sa conscience et à son devoir de père des fidèles. Certes il lui en coûta de tromper les espérances de son peuple, et de renoncer aux grands rêves conçus en son nom. En réalité, Pie IX n’était pas libre ; aux reproches des hommes qui