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LA BANQUE DE FRANCE SOUS LA COMMUNE.

sultat d’un malentendu. Avant d’user envers elle des moyens de rigueur que l’on sera toujours à même d’employer, il demande à être autorisé cà faire seul une démarche courtoise près de M. de Plœuc et il se fait fort, de la sorte, d’obtenir à l’amiable la remise des diamans de la couronne ; mais, comme il ne veut pas qu’on lui oppose de nouvelles dénégations, qu’il est indispensable pour lui de parler preuves en main, il prie la commission executive de lui confier les procès-verbaux constatant le dépôt des diamans. Si la Banque persiste dans son refus, la commune avisera. La motion de Charles Beslay fut adoptée ; une lettre fut rédigée d’un commun accord par laquelle les délégués aux finances étaient invités à remettre au citoyen Beslay les fameux procès-verbaux qui avaient amené la contestation. Il est expressément dit que c’est Charles Beslay qui s’oppose à l’emploi des moyens violens ; on comprend qu’il a su faire prévaloir son opinion, car cette lettre, signée de Delescluze et de Tridon, dit en terminant : « La commission vous prie de ne voir dans cette invitation que le désir de ménager les rapports de la commune et d’un établissement financier qui nous a été et nous sera encore utile. » Ce jour-là, si l’on n’eût écouté Beslay à l’Hôtel de Yille, c’en était peut-être fait de la Banque.

Charles Beslay, muni des procès-verbaux accusateurs, se rendit chez M. de Plœuc ; son premier mot fut dur : — Vous m’avez trompé. — M. de Plœuc riposta : — Jamais, j’ai toujours joué cartes sur table avec vous, comme cela avait été convenu ; je n’ai aucun intérêt à n’être pas sincère avec vous, vous le savez bien ! — Alors commença entre eux une discussion sur le dépôt fait à la Banque des diamans de la couronne : affirmation d’une part, dénégation de l’autre. Les deux Bretons, fort entêtés, ne démordaient point : — Ils y sont. — Ils n’y sont pas. — Je sais qu’ils y sont. — Je sais qu’ils n’y sont pas. — L’altercation aurait pu durer longtemps, car chacun de ces deux hommes parfaitement honnêtes savait bien que son interlocuteur ne cherchait pas à l’abuser, mais instinctivement ils sentaient qu’il y avait un point douteux qui obscurcissait la vérité. Beslay pouvait avoir quelque patience, car la commission executive, soupçonneuse, ne croyant pas au succès de la démarche tentée, lui avait remis des ordres d’arrestation concernant individuellement MM.  de Plœuc, Marsaud, Chazal, Mignot, de Benque et tous les régens présens à Paris ; il avait été laissé libre d’en faire usage, s’il le croyait nécessaire. Sûr d’arracher par la force ce qu’il était décidé à ne devoir qu’à la persuasion, Beslay se calma et. écouta avec déférence toutes les explications que le marquis de Plœuc s’efforçait de lui donner. — La bonne foi du sous-gouverneur était évidente, elle parlait avec un accent auquel Beslay ne pouvait se méprendre ; comme pour rassurer sa propre conviction, qui commençait