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fallait frapper à toutes les portes, ils l’ont fait sans méthode et sans système, jusqu’au jour où il leur a été possible de mettre un peu plus d’ordre dans leurs finances. Mais on les a vus tout récemment, pendant que la vieille Europe s’éveillait aux idées de la liberté commerciale et s’occupait de renouveler ses traités de commerce en faisant un pas de plus dans le sens de cette liberté, on les a vus organiser la protection à outrance, établir des taxes excessives sur toutes les marchandises venant du dehors, et particulièrement sur les objets fabriqués; ils ont levé ouvertement l’étendard de la résistance au progrès, et c’est à cet exemple donné d’une façon si fâcheuse et si inopportune qu’on doit certainement l’hésitation que manifestent aujourd’hui certains états de l’Europe à renouveler ces traités et à faire le pas en avant dont nous parlions tout à l’heure ; quelques-uns même seraient disposés, dit-on, à élever leurs tarifs de douane. Les Américains ne s’en sont pas tenus là, ils viennent de se signaler de nouveau par un acte des plus rétrogrades, que nous n’aurions pas attendu d’eux il y a quelques années, et qui surprend moins aujourd’hui, lorsqu’on est témoin de l’espèce de désarroi qui existe dans leurs idées économiques et financières. Nous faisons allusion à la reprise du double étalon monétaire, et au rétablissement de l’argent sur le même pied que l’or.

La législation a beaucoup varié aux États-Unis sur cette matière : de 1791 à 1834, ils ont eu en principe le double étalon, comme il existait alors partout en Europe, excepté en Angleterre; les deux métaux précieux étaient, à l’égal l’un de l’autre, des instrumens libératoires pour tous les paiemens; seulement, comme le rapport de l’or à l’argent était de 1 à 15, tandis qu’il était ailleurs de 1 à 15 1/2, il s’ensuivait que l’or n’avait pas en Amérique la valeur qu’il devait avoir ; il s’en allait, et l’argent seul restait dans la circulation. En 1834, on changea le poids et le titre de ce dernier métal. On frappa des dollars d’argent à 900 millièmes de fin et au poids de 412 grains 1/2, ce qui modifia le rapport avec l’or et le mit de 1 à 16. L’argent n’eut plus sa valeur réelle, il disparut à son tour, et ce fut l’or qui le remplaça. Les choses durèrent ainsi jusqu’à la guerre de sécession en 1861. — À ce moment, les États-Unis, pressés par des besoins excessifs, durent recourir au papier-monnaie, à ce qu’ils ont appelé les greenbacks, et, comme le papier perdit immédiatement de sa valeur, les deux métaux, or et argent, s’en allèrent à la fois ; on n’en vit plus dans la circulation, excepté pour l’acquit des droits de douane, car les Américains avaient eu la précaution de déclarer que les droits de douane seraient toujours soldés en or; ils avaient besoin de cet or pour payer les intérêts des emprunts