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qu’ils contractaient au dehors et qu’ils n’auraient pu réaliser s’ils n’avaient stipulé que ces intérêts seraient payés autrement qu’en papier. Le métal précieux restait dans les caisses du trésor public, qui en fournissait au cours du jour à ceux qui en demandaient, il ne circulait pas. En 1873, après les conférences et enquêtes qui avaient eu lieu en Europe, et particulièrement en France, sur la question monétaire, et auxquelles l’Amérique elle-même avait pris une part active, après surtout la grande résolution votée par l’empire d’Allemagne à la même époque de démonétiser l’argent et de n’avoir plus que l’étalon d’or, les États-Unis firent une nouvelle évolution et adoptèrent aussi l’or exclusivement. On put espérer à ce moment que ce serait en cette monnaie qu’on reprendrait les paiemens, lorsque les greenbacks cesseraient d’avoir cours forcé; mais les destins sont changeans en Amérique comme ailleurs, et plus qu’ailleurs. A mesure qu’on approcha de cette reprise des paiemens qui doit avoir lieu au 1er janvier 1879, les passions et les intérêts commencèrent à s’agiter ; on vit se manifester une opinion favorable au retour à l’étalon d’argent. Cette opinion était née de plusieurs causes. — D’abord les états de l’ouest, qui se livrent à l’agriculture particulièrement, sont débiteurs des grandes villes manufacturières de l’est pour les marchandises qu’ils leur achètent, ils sont débiteurs aussi pour les capitaux qu’ils leur empruntent afin de défricher leurs terres et faire les premiers ensemencemens ; ils ont chaque année des intérêts plus ou moins considérables à leur payer. Ils voyaient arriver avec regret, et on pourrait presque dire avec terreur, le moment où ils devraient régler ces intérêts en or. Leur idéal eût été de conserver les greenbacks non remboursables, et et même d’en augmenter le nombre selon les besoins, ce qui leur fit donner le nom d’inflationists ; mais, sentant bien qu’ils ne pourraient empêcher la reprise des paiemens, qui était réclamée en définitive par la majorité des états, ils se rejetèrent vers un autre moyen pour en atténuer la portée, ils demandèrent le rétablissement de l’argent comme monnaie légale.

De plus on avait excité leur imagination, on leur avait dit qu’ils avaient à leur disposition une source de richesses inépuisable avec les mines d’argent qui étaient. sur leurs territoires, et que, si on laissait à ce métal toute la valeur qu’il doit avoir, si on n’en entravait pas l’exploitation, la fortune de ces états pourrait être faite. M. Lincoln, l’ancien président, n’avait-il pas déclaré lui-même que les États-Unis possédaient avec les mines d’argent de quoi l’embourser toute la dette qu’ils avaient contractée pendant la guerre de sécession? Et qu’est-ce qui s’opposait à la mise en valeur complète de ces mines? C’étaient les monométallistes, comme on les