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la guerre de 1859, ce n’est pas la guerre de 1859 qui a préparé les guerres de 1866 et de 1870. Si l’on veut trouver la cause vraie, la cause profonde de cette guerre allemande[1] dont la guerre de France n’a été que la suite, il faut remonter à 1850. Sadowa est la revanche d’Olmütz. Le provocateur du prince de Bismarck a été le Bismarck autrichien de 1850, le prince Félix de Schwarzenberg. Schwarzenberg poursuivait l’unification de l’Allemagne par l’Autriche ; Bismarck, inspiré par les colères germaniques de 1850, a fait l’unité de l’Allemagne par la Prusse. L’empire, transformé de fond en comble, avait passé de Vienne à Berlin, des Habsbourg aux Hohenzollern, et dans cette refonte il était devenu plus compacte, plus dur, plus âpre, plus guerrier, plus enclin au mépris du droit. Voilà le fond des choses, tout le reste n’en a été que la mise en œuvre. Cette mise en œuvre pouvait changer, le fond était immuable. Si un Bismarck n’eût accompli le plan de 1850, un autre se serait levé pour le faire. Quand un mouvement d’idées s’empare de toute une nation, quand il a prononcé le mot d’ordre et formé une sorte de conspiration unanime, il finit toujours d’une manière ou d’une autre par trouver sa voie. Fata viam invenient.

Malheureusement ces faits si considérables nous avaient échappé. La France, qui a tant souffert de son inattention sur ce point, ne se résigne pas encore à reconnaître la réalité des choses. Une preuve que ces vérités, quoique désormais acquises, n’ont pas pénétré dans le public, c’est qu’un historien comme M. Camille Rousset paraît les ignorer. Qu’on veuille donc bien me permettre de résumer brièvement et avec toute la précision possible les traits principaux de la crise. L’occasion est trop belle, l’intérêt historique trop pressant, pour que je craigne le reproche de hors-d’œuvre. Quelques mots d’ailleurs suffiront.

On sait que l’idée de l’unité allemande est née en 1806, au lendemain d’Iéna et d’Auerstædt, à la disparition du vieil empire d’Allemagne ; on sait qu’en 1813 elle a été scellée dans le sang des Allemands du nord et du midi pendant les trois journées de Leipzig ; on sait que, durant la restauration, elle s’est mêlée aux mouvemens révolutionnaires, qu’elle s’est apaisée en 1830 sous l’influence libérale et humaine du régime de juillet, qu’elle s’est ranimée avec violence devant les menaces belliqueuses de 1840, et qu’en 1848 ayant profité du bouleversement de l’Europe pour tenter les grandes aventures, elle a succombé trois ans plus tard, à la convention d’Olmütz, sous les coups du prince de Schwarzenberg (novembre 1850). Nous venons d’ajouter qu’à partir de 1850 un nouveau

  1. Der deutsche Krieg, c’est le nom que les Allemands ont donné à la guerre de 1866 entre la Prusse et l’Autriche.