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de l’empereur, on avait multiplié les précautions propres à sauvegarder l’indépendance des plus petits états, et l’on avait adopté pour les diètes l’organisation la plus compliquée. De là des difficultés sans nombre et une lenteur inévitable quand il fallait prendre des décisions. Ce n’était certes pas l’anarchie ; mais, tandis qu’ailleurs prévalait l’unité monarchique, l’Allemagne était une fédération nominalement plus qu’effectivement unie, et organisée de telle façon que les divergences d’opinions et d’intérêts avaient toutes facilités pour se manifester au grand jour et perpétuer les luttes intérieures ou tout au moins les conflits.

Louis XIII et Richelieu, aidés de la Suède, avaient accompli cette œuvre. Mazarin et Lionne ne crurent pas, en la défendant, moins bien servir les véritables intérêts de la France. L’indépendance du corps germanique reçut une atteinte directe de Ferdinand III, qui prit sur lui de secourir les Espagnols contre la France et de dépouiller le duc de Savoie d’une dignité qui lui appartenait. Atteints dans leurs prérogatives et alarmés dans leur sécurité, les états ne tardèrent pas à se liguer contre l’empereur. Les souverainetés catholiques s’étaient coalisées les premières, et, le territoire de la plus grande partie d’entre elles bordant le Rhin, qu’on appelait alors la rue des Prêtres[1], cette alliance fut nommée ligue du Rhin. En vue du même péril et entrâmes par une prévoyance semblable, les états protestans s’allièrent à leur tour contre l’empereur. Mais les deux ligues, bien que formées par le même intérêt politique, restaient isolées et sans force. Séparées par la religion, elles couraient le risque d’être un jour opposées l’une à l’autre par l’empereur, selon qu’il jugerait utile de favoriser l’une des deux au détriment de la seconde. Dès lors non-seulement les traités de Westphalie étaient violés par l’empereur, mais encore les savantes combinaisons par lesquelles avait été organisé le corps germanique pour le plus grand intérêt de la France se trouvaient gravement menacées. C’est ce que comprit Mazarin.

Ferdinand III étant mort en 1657, Lionne fut envoyé à Francfort. Il était muni des instructions de l’habile cardinal, mais que de succès il dut à sa propre initiative ! Très éloigné du lieu de résidence de sa cour, se trouvant dans l’impossibilité de demander pour une foule de questions nouvelles des instructions spéciales, obligé le plus souvent de résoudre lui-même les difficultés imprévues

  1. L’empereur Maximilien nommait ainsi le Rhin dès le commencement du XVIe siècle. A partir en effet de l’évêché de Constance jusqu’à celui d’Utrecht, des principautés ecclésiastiques couvraient les rives de ce fleuve, flanqué par les évêchés de Bâle, de Strasbourg, de Worms, de Spire, les électorats de Trêves, de Mayence, de Cologne et plusieurs riches abbayes.