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résulteront tous les désastres de la fin du règne. En voulant écraser la Hollande, Louis XIV, loin de parvenir à l’abattre, la réduisit à ces efforts désespérés et sublimes qui produisent les retours de fortune. Sur les cadavres des frères de Witt et les débris du parti français s’éleva Guillaume d’Orange. Des flots mêmes par lesquels il sauva son pays sortit cet homme de génie qui, défenseur de l’indépendance hollandaise, deviendra en 1688 celui du protestantisme anglais, et qui, stathouder révolutionnaire de 1672, puis roi d’Angleterre, ne cessera d’être l’antagoniste le plus formidable de Louis XIV, le négociateur opiniâtre de toutes les coalitions formées contre lui, son ennemi implacable et finalement victorieux. C’est l’inexcusable abus de la force auquel se laissa entraîner Louis XIV qui a ouvert la carrière de Guillaume III en lui inspirant la noble ambition de délivrer son pays de l’invasion, car il était dans la destinée de ce grand homme de mériter par un immense service rendu chacun de ses agrandissemens de fortune : il devint stathouder en sauvant la nationalité de la Hollande, roi de l’Angleterre en la débarrassant du despotisme, chef de la ligue d’Augsbourg en préservant l’Europe de l’assujettissement.

Lionne était mort un an trop tôt. Il emporta dans la tombe les grandes et salutaires traditions de la politique nationale si heureusement suivies jusque-là. Après lui, on tomba dans le mépris de la modération et de la prévoyance. Les heureux effets de ses principales négociations furent annulés par une politique tout opposée à celle qu’il avait constamment suivie. La France comptera plus tard quelques serviteurs précieux au moment d’un retour inespéré de fortune qui jettera un dernier rayon de gloire sur la vieillesse de Louis XIV. Le marquis de Torcy et le cardinal de Polignac[1]

  1. Torcy a laissé des Mémoires. Quant au cardinal de Polignac, nous avons raconté ses ambassades dans notre ouvrage : l’Europe et les Bourbons sous Louis XIV.