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2 septembre 1792. — Lemoussu sourit avec grâce, prit un air tout à fait conciliant et parlant à demi-voix, comme lorsque l’on fait une confidence, il répliqua : — Je sais bien que vous n’avez pas d’armes ; mais que voulez-vous, j’ignore qui vous a dénoncés, on est très soupçonneux à l’Hôtel de Ville, il faut donner satisfaction à ces gens-là ; ce ne sera qu’une simple formalité, et j’y mettrai, vous pouvez le croire, toute la réserve possible. — M. Chazal, qui, en sa qualité de contrôleur, avait la police intérieure de l’administration, intervint alors et dit : — Je me ferais un véritable plaisir de vous conduire moi-même dans la Banque tout entière, si je n’étais retenu par un scrupule que vous partagerez certainement. M. Charles Beslay, régulièrement délégué par la commune près la Banque de France, est absent en ce moment ; je vais le faire prévenir et le prier de guider lui-même votre perquisition, à laquelle sa présence seule peut donner le caractère de légalité que vous êtes le premier à rechercher. » Lemoussu sembla hésiter un instant ; il avait affaire à plus fort que lui, et se sentait deviné. — Mais le citoyen Beslay sera peut-être longtemps avant d’arriver ici. — À peine une heure. — Eh bien ! alors, citoyen secrétaire-général, dans une heure je reviendrai, puisque vous voulez bien me le permettre. — On se salua courtoisement, Lemoussu s’en alla, et l’on referma la porte derrière lui.

M. Marsaud envoya immédiatement un messager porter un mot d’avertissement à Charles Beslay ; de son côté, M. de Benque expédiait au marquis de Plœuc un court billet : « Tentative de perquisition à la Banque pour y chercher des armes, soi-disant cachées. Le comité de salut public a fait cerner la Banque par des forces considérables ; le citoyen Lemoussu est chargé de la perquisition. » Sur le même papier, M. de Plœuc répondit : « Entendons-nous bien, faites-le savoir aux nôtres. S’il s’agit de ma personne, j’ai pour devoir de me mettre à l’abri ; s’il s’agit d’autre chose, faites-le-moi savoir, et je serai avec vous tous immédiatement. Je recommande une extrême prudence dans les rapports personnels, du calme et de la confiance. Je serai avec vous, je le répète, s’il s’agit d’autre chose que de moi. » Puis, sur une carte de visite, il écrivit rapidement au crayon : « Faites protestation contre la perquisition pour maintenir le droit ; cela fait, ne vous y opposez pas, facilitez même. Je ne veux pas motiver des violences. Souvenez-vous que, si je mets ma personne à l’abri, ce n’est que pour assurer le gouvernement de la Banque. Au premier péril, je serai avec vous. »

Nous avons dit que Charles Beslay était malade ; il souffrait d’une infirmité assez fréquente chez les vieillards et avait, la veille, subi une opération douloureuse ; il était couché et fort dolent, lorsque le message expédié par M. Marsaud lui parvint. Il se jeta à bas de