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le gouvernement, et qu’il était toujours tenu sous sa dépendance.

Le cardinal du Perron, dont le père était calviniste et qui lui-même avait été élevé dans la religion réformée, exagérait comme Mme de Maintenon la ferveur catholique pour faire oublier son origine. Aux états-généraux de 1614, il prononça un long discours tendant à prouver que les papes ont le pouvoir de déposer les rois. Le parlement, blessé dans ses convictions gallicanes, confirma par un arrêt solennel ceux qu’il avait précédemment rendus sur la matière. Marie de Médicis fit casser l’arrêt par le conseil ; l’année suivante, il demanda que les pairs fussent convoqués pour délibérer avec lui sur les affaires publiques, qui allaient de mal en pis. Il fut mandé au Louvre. Le chancelier lui signifia qu’il n’avait pas plus le droit de se mêler de ces affaires que de connaître des comptes et gabelles. Sachez bien, dit à son tour la reine mère, que le roi est votre maître, si vous contrevenez à ses ordres, il saura bien vous faire obéir. Il se plaignit, ne fut pas écouté, et Richelieu se chargea de lui apprendre qu’il n’avait pas même le droit de se plaindre. À la moindre velléité d’opposition, il le forçait à s’humilier. En 1631, il le fit venir deux fois se mettre à genoux devant Louis XIII pour demander pardon. En 1635, il envoya en exil ou à la Bastille ceux de ses membres qui s’étaient le plus vivement prononcés contre les condamnations par commissaires, ces juges de tyrannie, comme disait le XVIIIe siècle, que la convention a remplacés par le tribunal révolutionnaire, la restauration par les cours prévôtales, et le second empire par les commissions mixtes. Désarmé, comme les lois, le parlement se courba sous un despotisme qu’il ne pouvait combattre, et attendit la mort du cardinal comme il attendit celle de Louis XIV, car, sous ces maîtres tout-puissans, la mort était la seule libératrice.

Lorsqu’il donna la régence à Marie de Médicis, le parlement pouvait dans une certaine mesure justifier sa conduite en se basant sur ce fait que le roi défunt, surpris par la mort, n’avait laissé aucune disposition testamentaire relative à l’organisation du gouvernement pendant la minorité de son fils. Mais Louis XIII avait tout réglé. Le parlement, pour disposer une seconde fois de la régence et la donner à Anne d’Autriche avec de pleins pouvoirs, cassa le testament royal, et cet acte révolutionnaire, accompli par les premiers magistrats du royaume qui déchiraient de leurs mains bourgeoises les dernières volontés d’un roi, fut comme le prélude des outrages qui attendaient dans l’avenir la dynastie capétienne. La veuve de Louis XIII n’en fut pas plus reconnaissante que la veuve de Henri IV, et la guerre entre les deux pouvoirs ne tarda pas à se ranimer.