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qui ne pourra aboutira rien ! à rien !… qu’il s’agisse d’administration, d’armée, de marine, de finances. » À quel propos M. Thiers tenait-il ce langage spirituellement vif ? Il parlait ainsi dans une discussion où se déballaient toutes ces questions de douanes, de tarifs, de réformes commerciales qui sont loin d’être résolues, qui se ravivent sans cesse, qui s’agitaient hier encore, avant la prorogation parlementaire, à l’occasion du traité de commerce avec l’Italie, définitivement repoussé par la chambre des députés. Le traité de commerce avec l’Italie a été visiblement, lui aussi, la victime de « l’esprit de contradiction universelle » et, on peut l’ajouter, de la confusion des idées ou des intérêts. Ce n’est point assurément que ce traité fût sans défaut ; il avait surtout l’inconvénient de répartir inégalement les avantages entre les deux pays et d’être, comme on l’a dit, libéral de la part de la France, protectionniste au profit de l’Italie. Tel qu’il était cependant, avec les correctifs qu’une commission lui avait fait subir et avec la condition d’une dénonciation toujours possible, ce qu’il y avait de mieux était encore de l’accepter. La chambre aurait évité de paraître donner une victoire à ce mouvement protectionniste qui a pris une si singulière recrudescence depuis quelque temps et que la majorité républicaine n’a pas sans doute l’intention d’encourager en France. Maintenant c’est fait ; qu’en résultera-t-il ? L’Italie consentira-t-elle à proroger de nouveau l’ancien traité de 1863 et à rouvrir des négociations ? C’est évidemment la meilleure politique pour l’Italie comme pour la France. La pire des choses serait de laisser éclater une guerre de tarifs entre deux pays unis par tant d’intérêts.

La Belgique a en ce moment sa petite révolution toute pacifique, toute régulière qui vient de s’accomplir par un coup de scrutin et dont le seul résultat va être de faire passer le pouvoir d’un ministère catholique qui existait depuis huit ans à un ministère libéral. La Belgique avait à procéder à un renouvellement partiel de la chambre des représentans aussi bien que du sénat, et les élections avaient ce caractère particulier qu’elles étaient la première épreuve d’une nouvelle loi électorale récemment votée, destinée surtout à assurer le secret des votes. L’épreuve est faite maintenant, le scrutin a prononcé, il a donné aux libéraux une majorité de neuf ou dix voix dans la chambre des représentans, une majorité de six voix dans le sénat. Le ministère, présidé depuis longtemps par un des hommes les plus modérés du parti catholique, M. Malou, n’a point hésité à s’incliner devant ce résultat, il a remis immédiatement sa démission au roi, et c’est M. Frère-Orban qui paraît décidément chargé de former un nouveau ministère. M. Frère-Orban est un athlète assez éprouvé de la politique pour ne porter au pouvoir qu’un libéralisme sérieux et éclairé. C’est l’intérêt du parti libéral lui-même et de la Belgique.

ch. de mazade.