Page:Revue des Deux Mondes - 1878 - tome 28.djvu/323

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

escalier, une ample et sévère loggia, comme celle du Bargello, ou, dans un coin, sous les toiles d’araignée noires de poussière et de fumée, quelque fin détail d’ornementation, quelque précieuse figure décorative jadis sculptée par un élève d’Orcagna ou de Donatello. On ne conçut donc pas la pensée d’ouvrir à travers la ville un de ces sillons meurtriers que nous avons vu si souvent déchirer les flancs et comme la chair de Paris ; on se contenta d’agrandir la cité. Celle-ci ne pouvait guère se développer sur la rive gauche ; l’étroit quartier d’Oltr Arno y est resserré entre le fleuve et des collines assez raides, qui sont mieux faites pour recevoir villas et jardins en étage que pour porter des quartiers urbains. Il en est autrement sur la rive droite. Là, entre l’Arno et les dernières pentes du mont Rinaldi, s’étend une plaine assez spacieuse, dont la Florence d’autrefois n’avait occupé qu’une partie. L’espace n’y manquait pas pour des constructions, qui se prolongeraient aussi loin qu’il le faudrait pour loger tous les nouveaux venus. Rien n’empêcherait d’offrir à ceux-ci, dans des habitations bâties tout exprès, tous les agrémens, toutes les recherches du bien-être moderne. On a donc abattu le mur d’enceinte ; sur son parcours ont été dessinés de larges boulevards, qui se sont très vite bordés de maisons d’une sobre élégance, dont beaucoup ont des jardins. En arrière de ces boulevards, entre eux et la campagne, s’est interposée toute une bande de quartiers neufs qui devaient former autour de la vieille ville comme une aimable et fraîche ceinture. Par malheur, le transfert de la capitale à Rome et la gêne financière ont arrêté les travaux commencés. Dans bien des endroits, la chaussée est faite, les bandes des trottoirs sont posées ; mais les maisons n’ont pas poussé, ou elles sont restées inhabitées. Depuis cinq ou six ans, le nombre des appartemens inoccupés augmente chaque année à Florence. Si la vie a plus que doublé à Florence depuis une vingtaine d’années, les loyers en ce moment y sont à très bas prix.

L’aspect que présentent ces nouveaux quartiers est fort agréable là où ils sont achevés et peuplés. Vous en entendrez cependant critiquer l’aménagement par les Florentins pur sang, restés fidèles à la vieille ville. Nos pères, disent-ils, savaient ce qu’ils faisaient. Dans leurs rues étroites, bordées de hautes maisons aux murs épais, ils étaient mieux protégés contre les chaleurs de l’été, contre les vents froids de l’hiver. Sur ces larges boulevards, dans ces larges rues, parmi ces maisons plus basses, de décembre à mars, la tramontane soulève des flots de poussière et vous coupe le visage en deux ; pendant la canicule, le soleil y chauffe tout à son aise les murailles et le pavé ; de la rue il fait une fournaise, des appartemens autant d’étuves. Les habitans des nouveaux quartiers n’osent pas nier tout à fait ces inconvéniens ; mais, disent-ils, quand les arbres des jardins