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incomparable. Que de richesses ! que de promesses ! quel généreux labeur ! Lorsqu’on voit ce merveilleux épanouissement de la pensée libérale dans les sphères d’en haut, on répète avec le grand publiciste : « Nous entendons tout, nous sommes propres à tout, nous comprenons tout. »

Et qui donc a détruit tout ce travail, qui donc a rendu vains de si généreux efforts ? Le parti même qui à cette date représentait le plus grand fonds d’idées conservatrices, le parti royaliste de la restauration. Seulement, ces idées conservatrices, il les séparait de la liberté, il leur refusait la vie, il les attachait à des choses mortes, il les enfermait dans des institutions condamnées. De là les violences et les désastres de la politique. De 1815 à 1830, c’est un parti conservateur qui a renversé la monarchie française.

Rien de plus douloureux que cette histoire. A ceux qui veulent en connaître le détail dans un exposé savant, complet et d’une irréprochable impartialité, il faut recommander le consciencieux ouvrage de M. de Viel-Castel ; à ceux qui recherchent un tableau, moins impartial peut-être, mais plus ardent, où revivent les luttes et les passions parlementaires de cette période, le livre de M. Duvergier de Hauranne offrira de dramatiques enseignemens. Si l’on s’en tient à une seule question, au rôle funeste du parti conservateur pendant ces quinze années, aux fautes, aux fureurs, aux folies des royalistes, à l’incroyable délire de ceux que Louis XVIII a nommés les ultras, le livre de M. Thureau-Dangin doit être recommandé avant tout, car c’est là le sujet spécial qu’il a choisi, et il l’a traité en maître. N’est-ce pas faire œuvre de maître que de montrer tant de franchise sans manquer jamais aux convenances, tant de droiture et de décision sans cesser d’être circonspect et politique ? N’est-ce pas faire œuvre de maître que de défendre obstinément les grands principes du libéralisme, droit, justice, équité, bon sens, modération, en face des emportés de nos jours, comme Mallet-Dupan en face des fanatiques de l’ancien régime ?

Cette tradition de Mallet-Dupan, M. Thureau-Dangin. est heureux de la retrouver dès les premiers jours de la restauration. Il y a un Mallet-Dupan doux, sérieux, persuasif, qui se nomme M. Laine, un Mallet-Dupan gentilhomme de grand cœur et de moralité politique absolue, qui se nomme le duc de Richelieu, un Mallet-Dupan d’une générosité sublime, d’une éloquence incomparable, d’une vie sans peur et sans reproche, qui se nomme le comte de Serre. Cherchez leur histoire dans le tableau de M. Thureau-Dangin, vous y trouverez surtout l’image de leur supplice. Ils défendent la royauté des Bourbons, mais, comme ils la défendent dans le sentiment de la France moderne, ils s’exposent à toutes les fureurs d’une réaction forcenée. Ils veulent effacer le souvenir des mauvais jours de