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d’ordinaire l’homme le plus considérable de son district ou de son gouvernement. L’empereur Alexandre II a, dans la seconde moitié de son règne, élargi encore le rôle de ces predvoditel, en leur attribuant la présidence du conseil de l’instruction publique, la présidence du conseil de révision, et enfin la présidence de l’administration de district pour les affaires des paysans. Dans toutes les sphères où le gouvernement fait appel au concours des habitans, le premier rang appartient ainsi à la noblesse représentée par son chef élu. Les attributions du maréchal de la noblesse sont devenues si multiples que dans ces dernières années plusieurs zemstvos de district ont décidé de lui allouer une indemnité pécuniaire, un traitement. Dans un pays où l’on a peu le goût des fonctions gratuites, l’opinion a peu d’objections contre un tel mode de rémunération. La question est de savoir sur quels fonds cette allocation devrait être prélevée. Le predvoditel exerçant la plupart de ses fonctions à titre de chef de la noblesse locale, certains Russes pensent que, s’il a besoin d’un traitement, c’est moins au zemstvo qu’à l’assemblée de la noblesse de le lui servir.

La prépondérance de la noblesse est plus grande encore dans les zemstvos de gouvernement que dans les zemstvos de district. Les premiers sont en effet élus par les derniers, et la classe qui possède le plus d’influence dans ceux-ci est naturellement en majorité dans ceux-là. L’assemblée provinciale n’est que la réunion des délégués des diverses assemblées de district de la province. Chaque zemstvo de district est représenté au zemstvo du gouvernement par un certain nombre de ses membres, sept ou huit en moyenne. Comme les goubernies russes comprennent en général huit, dix, douze districts, les états provinciaux se trouvent ainsi composés de 60, 80, parfois 100 délégués. Les élections pour le zemstvo de gouvernement se font par tête et non par ordre. Chacun des membres de l’assemblée de district, propriétaire, paysan ou marchand, est éligible ; mais d’ordinaire la plupart des élus appartiennent à la première catégorie. Le paysan se soucie peu de ces fonctions qui sont demeurées gratuites ; il laisse volontiers y nommer des propriétaires qu’il en juge plus capables que lui-même. Parmi les membres des zemstvos de gouvernement, il n’est pas rare de voir figurer des hommes connus pour avoir été autrefois les adversaires de l’émancipation, tant les serfs affranchis sont encore exempts de haine ou de rancune à l’égard des hommes qui furent leurs maîtres. Si dans la plupart de ces assemblées quelques moujiks siègent au milieu des gentilshommes de la province, ils le doivent au libéralisme ou à la générosité des propriétaires, qui sont souvent d’autant plus heureux de faire montre de leurs idées libérales que leur influence réelle en a moins à souffrir.