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Russie ; le royaume de Pologne et les provinces baltiques sont seuls à posséder quelque chose d’analogue. Les zemstvos, dont la contribution foncière est la principale ressource, ont presque partout entrepris un travail d’évaluation et de classification des terres, qui pourra servir de base à un cadastre général du territoire. L’état n’aurait guère pour cela qu’à centraliser les travaux des zemstvos et à les diriger selon des règles uniformes[1]. En préparant le cadastre de l’immense empire, les zemstvos rendent un service inappréciable à ses finances et à son agriculture, car sans cadastre les propriétaires ne peuvent tirer un grand parti des banques foncières et des emprunts hypothécaires, et sans cadastre il ne saurait y avoir d’impôt foncier régulier.


IV

Les dépenses des zemstvos se répartissent naturellement en deux catégories, les dépenses obligatoires et les dépenses facultatives. Les premières, imposées par la loi, sont pour la plupart irréductibles, et le plus souvent aussi improductives ; elles absorbent le plus clair du revenu des états provinciaux les moins riches. Les dépenses obligatoires comprennent, entre autres services, les frais de l’administration locale et des justices de paix, l’entretien des stations et des chevaux de poste, des bureaux et des dépôts de recrutement, des locaux pour les officiers de police et aussi le chauffage et l’éclairage des casernes, etc. Cette catégorie de dépenses s’est trouvée soudainement et démesurément agrandie par la guerre d’Orient. Les nouvelles lois militaires font en effet peser sur les zemstvos une partie du fardeau des conflits armés[2]. L’équipement du dernier ban de la milice, la fourniture des chevaux et du train, le casernement, l’indemnité des officiers et des médecins, en un mot presque tous les frais de la mobilisation sont laissés par l’état à la charge des provinces. A cela vient s’ajouter l’obligation d’assister les femmes et les enfans des hommes de la réserve rappelés au service et les familles des soldats demeurés sur le champ de bataille. Ce sont là de lourds sacrifices exigés du patriotisme des zemstvos.

Dans plusieurs gouvernemens on évalue à près d’un million de roubles les frais de la mise sur pied de la milice, et comme le plus souvent cette somme égale ou dépasse le total de leurs revenus annuels, les provinces n’y sauraient faire face qu’au moyen

  1. Voyez à cet égard M. A. Lioubanski, louriditcheskiia Monographii i Izslédovania, t. IV, p. 6-13.
  2. Voyez l’étude sur le Système militaire de la Russie dans la Revue du 15 juin 1877.