Page:Revue des Deux Mondes - 1878 - tome 28.djvu/583

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Japon, sert à tous les travaux de construction. La régularité de ses veines donne à l’intérieur des maisons un aspect de netteté saisissant. Le kusu-no-ki ou camphrier ne vient guère que dans le sud : la tige en est généralement creuse, il supporte mal les changemens de température ; on l’emploie surtout pour les caisses et boîtes de toute sorte. La plupart de ces bois défient la morsure des insectes ; ils n’ont pas d’ailleurs à craindre ici l’invasion des terribles fourmis blanches, si répandues en Chine et aux Philippines. La durée des édifices japonais, lorsqu’ils ne sont pas la proie de l’incendie ou des tremblemens de terre, indique assez la solidité de leur structure végétale. Les Japonais ont poussé très loin l’art du charpentier dans leur système de ferme et d’assemblage à tenons et mortaises, en vue des secousses souterraines. C’est chez eux un luxe tout national que celui des belles boiseries ; il est telle maison où l’on montre avec orgueil au visiteur tout un panneau ou un to-ko-no-ma fait d’une seule pièce. Ils s’entendent à merveille à l’aménagement des chantiers, mais n’ont pas jusqu’ici mesuré scientifiquement la force de résistance de leurs diverses essences végétales. La richesse forestière, qui est considérable, est loin d’être soumise à un régime régulier ; le déboisement fait des progrès inquiétans dans les parties les plus accessibles, où l’on se sert des cours d’eau pour faire flotter les bois, tandis que les immenses forêts d’Yéso ne sont pas exploitées faute de chemins.

De tous les arbres le plus commode, le plus répandu, celui que l’on rencontre partout, utilisé de mille manières diverses, c’est le bambou. Pompes, gouttières, tuyaux d’irrigation, ustensiles de ménage et de culture, stores, cannes, parapluies, il n’est pas d’usage auquel ne puisse s’appliquer cette herbacée gigantesque, solide, souple et légère à la fois. C’est la fortune du pays qui la possède, et quand on redescend des régions montagneuses où elle n’habite pas, le regard se réconcilie avec la monotonie de la plaine en retrouvant ses tiges élégantes et lisses, atteignant quelquefois 20 mètres de haut, qui ondulent au vent comme les blés d’une autre île de Brobdingnac.

Une autre plante de la même famille, la canne à sucre, pousse dans le sud. Une tentative y a été faite dans l’île d’Oshima pour fabriquer le sucre par nos procédés. Mais, tout en donnant un produit de plus belle qualité, les usines installées à l’européenne obtenaient un rendement moindre. En ajoutant le prix du charbon et la non-valeur des résidus, elles se trouvaient en perte et furent abandonnées. Rien de moins dispendieux au contraire que la fabrication indigène : chaque cultivateur est sucrier, récolte lui-même ses cannes, les écrase sous sa grossière meule de pierre manégée par