Page:Revue des Deux Mondes - 1878 - tome 28.djvu/584

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

des bœufs, et n’a qu’à rejeter les résidus à quelques pas de son moulin pour en fumer son champ. Aucune sucrerie n’a pu jusqu’ici, ni au Japon ni en Chine, lutter avec succès contre cette simplicité de procédés.

Parmi les matières premières qui attirent l’attention moins qu’elles ne le méritent est l’écorce du broussonetia papyrifera ou arbre à papier, qu’on rencontre presque dans chaque district du Japon, et qui sert à faire ces papiers dont nous admirons la solidité sans pouvoir l’imiter. Chaque racine plantée en terre donne au bout de quatre ans des rejetons de trois et quatre pieds de long, qui sont alors coupés régulièrement chaque année, vers le dixième mois, au ras du tronc, et plongés dans l’eau, où ils demeurent assez longtemps pour s’écorcer à la main, après quoi l’on suspend l’écorce mise en paquets sur des perches où elle sèche pendant trois jours. Les paquets sont ensuite trempés pendant au moins vingt-quatre heures dans l’eau courante, de manière à séparer le tissu intérieur de l’enveloppe externe, qui est employée à la fabrication des papiers grossiers. C’est avec la fibre qu’on fait le papier proprement dit. A cet effet, on forme des paquets de 10 kilogrammes environ qui, après un lavage à l’eau courante, sont placés dans des baquets pleins d’eau. L’eau s’écoule, et la fibre est soumise à une forte pression pour se défaire de toute humidité. On fait bouillir le marc ainsi obtenu avec une préparation de cendres d’écorce de blé, en agitant le mélange pendant toute l’opération, qui dure jusqu’à la formation d’une masse de pulpe homogène. Quelquefois, pour hâter l’ébullition, on ajoute de la chaux, mais au détriment de la couleur du produit. La pulpe, placée dans un panier à jour, est une troisième fois plongée dans l’eau courante, pour se débarrasser de toutes ses impuretés ; après ce dernier lavage, elle est étendue sur une épaisse planche de chêne ou de cerisier de cinq pieds sur trois, et battue avec un maillet carré pendant une demi-heure. L’opération, à partir de ce moment, rentre dans les données ordinaires de notre fabrication. Tamisée et additionnée d’eau, la pâte est placée dans une cuve où elle est puisée au moyen d’une forme en bambou. Détachée avec une baguette, et appliquée sur des planches verticales, chaque feuille ainsi obtenue y demeure jusqu’à ce qu’elle soit parfaitement sèche. On compte jusqu’à 300 variétés différentes de papier. Les belles qualités sont remarquables par le lustre, le poli, la souplesse et la résistance du tissu, qui peut supporter une tension considérable sans se rompre.

Outre les usages auxquels nous le destinons, le papier reçoit au Japon les emplois les plus inattendus. Il remplace le mouchoir, sous la forme de petits carrés qui sont jetés ou enfouis dans les profondeurs de la manche aussitôt qu’ils ont servi. Il sert, sous des états