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existent aujourd’hui, ces corporations sans vie ne peuvent porter ombrage à personne, c’est à leur innocuité, c’est à leur insignifiance même qu’elles doivent de conserver l’existence.


II

A la représentation par classe ou corporation, le statut de 1870 a substitué la représentation de la propriété et des intérêts. Ce sont les taxes municipales qui confèrent le droit de voter dans les élections urbaines. Tout propriétaire d’immeuble, tout possesseur ou directeur d’établissement industriel ou commercial, tout homme payant une patente au profit de la cité est électeur municipal. Comme en Angleterre, et de même que pour les assemblées territoriales, les femmes peuvent participer au scrutin au moyen d’un chargé de pouvoirs. Bien que le droit de vote soit ainsi fondé sur les rôles des contributions, il n’y a pas à proprement parler de cens électoral, point de minimum d’impôt déterminé par la loi. Les villes russes diffèrent tellement par la richesse, et beaucoup d’entre elles sont si pauvres, qu’il eût été difficile de trouver pour toutes une mesure commune, ou même de fixer une échelle graduée. Aussi a-t-on adopté un autre système. Tout impôt direct, acquitté au profit de la ville, donne aux habitans le droit de prendre part aux élections municipales, mais la part de tous ces électeurs est loin d’être la même. Les contribuables sont inscrits sur les listes électorales dans l’ordre du chiffre des contributions acquittées par eux, en commençant par les plus imposés. Les listes une fois dressées, les électeurs sont divisés en trois catégories, dont chacune paie une égale part de contributions et nomme un égal nombre de représentons. Chaque électeur est éligible dans l’un ou l’autre des trois collèges. Le premier groupe ou collège comprenant les plus imposés élit un tiers des membres de la municipalité ; le moyen collège en nomme un autre tiers, le dernier groupe, formé des moins imposés, choisit de même le dernier tiers. Toute la différence est dans le chiffre des électeurs compris dans chaque collège. Chacune de ces trois catégories, numériquement fort inégales, ayant droit à un même nombre de représentans, possède le même nombre de voix dans la municipalité ; le suffrage de chacun des membres du premier collège, qui compte le moins d’électeurs, a naturellement bien plus de poids que le suffrage de chacun des électeurs du second et surtout du troisième collège. Si chaque groupe a une égale représentation, les moins imposés ne possèdent individuellement qu’une minime fraction du vote attribué personnellement aux gros contribuables[1].

  1. En 1873, par exempts, les listes électorales de Saint-Pétersbourg donnaient 224 électeurs pour le premier groupe, 887 pour le second et 17,439 pour le dernier. Une voix du premier collège valait ainsi 4 voix du second et 80 du troisième.