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du sénat, ne fait guère que compliquer la procédure administrative d’une instance le plus souvent inutile.

L’autorité de l’administration centrale et de la bureaucratie n’est pas la seule borne à la libre initiative des municipalités. Elles rencontrent parfois une autre barrière dans les autres assemblées représentatives, dans les zemstvos de district et de gouvernement[1]. Les pouvoirs de ces assemblées s’étendent à quelques égards sur les villes, qu’elles peuvent astreindre à certains services et à certains impôts. Il y a là pour les municipalités une cause de sujétion dont le législateur a eu le bon esprit d’affranchir les grandes cités de l’empire. Il en est trois aujourd’hui, Saint-Pétersbourg, Moscou et Odessa, qui, au lieu de rester confondues avec le district ou arrondissement qui les entoure, en ont été détachées pour être elles-mêmes érigées en zemstvos de district. Les grandes villes rendues indépendantes des campagnes voisines jouissent ainsi d’une plus large autonomie.

Ce système, justement respectueux de l’individualité des villes, est tout l’opposé de celui qui prévaut si souvent en France dans nos circonscriptions cantonales et parfois même dans nos circonscriptions électorales. Au lieu de couper, comme le font nos cantons, les villes en morceaux et d’en coudre un fragment à un fragment de campagne, la législation russe assure aux agglomérations urbaines une représentation distincte dans les assemblées provinciales. Pour les villes plus considérables, la loi fait plus ; en les érigeant en zemstvos de district, elle accorde aux municipalités les plus importantes des droits qu’elle n’abandonne point aux plus petites. C’est là un procédé tout autre que notre méthode française qui assimile artificiellement les unes aux autres toutes les communes du territoire. A nos yeux, l’érection des grandes villes russes en zemstvos de district est une mesure qui n’a d’autre tort que d’être encore trop exceptionnelle. Le bénéfice en pourrait être étendu à nombre d’autres cités ; des villes comme Kief ou Kazan par exemple ont assez d’individualité pour mériter un tel privilège. En fait, cette dignité de zemstvo de district pourrait être conférée à toutes les villes de quelque importance, à la plupart des chefs-lieux de province qui pourraient être constitués en centres indépendans et complets. Comme l’Angleterre, bien que d’une autre façon, la Russie pourrait ainsi séparer les bourgs des comtés et l’élément urbain de l’élément rural, qui partout d’ordinaire diffèrent tant l’un de l’autre par les habitudes et les intérêts. En tout pays, c’est là le meilleur moyen de garantir aux villes et aux

  1. En Russie il y a en effet deux assemblées provinciales analogues à nos conseils généraux, l’une pour le district qui correspond à notre arrondissement, l’autre pour le gouvernement ou province. (Voyez à ce sujet la Revue du 15 Juillet 1878.)