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profession des habitans. Il en serait de même de la taxe sur le travail[1]. Tous les contribuables seraient répartis en six ou sept catégories, selon le taux de leur traitement, ou selon les gains présumés de leur métier ou profession. Les traitemens fixes, compris dans la première classe, seraient frappés d’un droit proportionnel de tant pour 100, par exemple de 1, 2 ou 3 pour 100. Les gains et profits variables seraient, comme les petits salaires, astreints à un droit fixe, différent selon la classe et gradué selon une certaine échelle. En fixant l’impôt à un taux minime, à une vingtaine de roubles par exemple pour la catégorie la plus élevée, à 1 ou 2 roubles, voire à un 1/2 rouble pour les catégories inférieures, Saint-Pétersbourg en pourrait encore, d’après les statistiques de la douma, tirer aisément un revenu de 500 à 600,000 roubles, c’est-à-dire une somme à peu près équivalente au produit supposé d’une légère taxe sur les loyers et également susceptible d’élévation.

L’impôt ainsi projeté serait une sorte d’impôt sur le revenu, avec cette singularité qu’il laisserait indemnes les fortunes acquises, les capitalistes ou les rentiers sans profession qui vivent de leur revenu plus que de leur travail. Ce serait là une inégalité ou mieux une iniquité à laquelle on chercherait sans doute à remédier dans la pratique. Un tel impôt sur le travail a beau avoir été préparé par le droit sur les passeports et à certains égards par l’obrok ou redevance des serfs à leur seigneur, il ne saurait manquer d’être impopulaire. En tout autre pays, une taxe locative semblerait plus simple, plus équitable, plus facile à percevoir ; mais en Russie la taxe sur le travail aurait l’avantage d’atteindre plus sûrement tous les contribuables jusqu’aux plus petits et aux plus pauvres, jusqu’à ceux dont on n’oserait taxer les misérables demeures. Or, ainsi que nous l’avons déjà remarqué à propos des finances de l’état, dans un pays comme la Russie, où les classes riches et aisées sont encore relativement peu nombreuses, l’impôt n’est productif qu’à condition de descendre très bas et de frapper tout le monde[2].

Dans les villes comme dans l’empire, le fisc n’a plus que le choix entre les différentes taxes. Stimulé par des besoins nouveaux, le génie fiscal semble du reste enclin à s’attaquer directement au revenu et au travail. Avant la dernière guerre, il n’était question d’un impôt de ce genre que pour Saint-Pétersbourg ou pour les villes au profit des municipalités ; depuis la double campagne de Bulgarie et d’Arménie, la presse russe parle d’appliquer des taxes de cette sorte à tous les habitans de l’empire au profit du trésor

  1. Nous rappellerons que l’état, de son côté, perçoit sur les passeports et indirectement sur le travail des droits fort élevés qui lui rapportent annuellement plusieurs millions de roubles. (Voyez la Revue du 15 décembre 1876.)
  2. Voyez la Revue du 15 décembre 1876 et du 1er janvier 1877.