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à se passer selon les rites accoutumés. Lorsqu’on est dans la lice, la dame descend, donne un baiser au chevalier, l’exhorte à se comporter vaillamment, puis prend place sur les échafauds qui ont été dressés et couverts de tapisseries. Le second et le troisième jour n’ont pas leur ordre moins bien réglé et voient combattre les écuyers, puis tous ceux qui se présentent.

Les mœurs du temps se retrouvent tout entières sous d’autres rapports dans la même fête. Comme on y voit déjà ce mélange d’aventures galantes et de religion qui marquera surtout le XVIe siècle ! La chronique nous apprend que le soir du troisième jour il y eut une mascarade. Les suites en devaient être fort peu édifiantes. « Mainte demoiselle s’oublia, plusieurs maris pâtirent. » Il devait s’ensuivre plus d’un duel et d’un guet-apens. Le lendemain appartient à la religion. Après les plaisirs du siècle, les pompes de la mort. Était-ce contraste raffiné ou rencontre naïve ? Un grand service mortuaire est célébré à Saint-Denis pour honorer la mémoire de messire Duguesclin, connétable de France, cérémonie majestueuse d’ailleurs. Son ancien compagnon, le sire de Clisson, menait le deuil tout vêtu de noir, suivi des deux maréchaux de France, Olivier Duguesclin, frère du défunt, et de plusieurs autres chevaliers. L’évêque d’Auxerre officiait ; il s’avança ainsi que le roi jusqu’à l’entrée du chœur. Là les ducs de Bourgogne, de Bourbon, de Lorraine et de Bar, les sires de Clisson, de Laval et d’Albret, présentèrent deux chevaux de bataille et deux chevaux de tournois. L’évêque leur mit la main sur la tête, puis les sires de Beaumanoir et de Longueville et six autres apportèrent les écus. Leduc de Touraine, frère du roi, le comte de Nevers, le prince de Navarre et Henri de Bar marchaient ensuite, portant par la pointe l’épée du connétable. D’autres chevaliers tenaient les casques, d’autres les bannières à ses armoiries. Toutes ces offrandes furent rangées devant l’autel. Ces cérémonies étaient terminées par l’oraison funèbre du connétable ; certaines paroles qu’en a recueillies l’histoire faisaient couler les larmes de ses anciens compagnons d’armes. Voilà bien l’expression par les fêtes de ce qui constitue la monarchie chevaleresque et féodale. Tout cela sort des mœurs. Rien de factice. Il y a des choses légères, il y en a de blâmables, il y en a de touchantes qui semblent reparaître à chaque avènement, comme des fleurs dont se couvre le vieil arbre monarchique à chaque nouveau printemps qui le rajeunit.


II

Les grandes fêtes monarchiques devaient être constituées dans toutes leurs parties au XIVe siècle et surtout au XVe. Le XVIIe et