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du XVe siècle prenait aussi plus d’une licence politique. On y voyait figurées bien des vérités hardies. Sur l’une de ces toiles, un bonhomme regarde attentivement une toile d’araignée, ourdie entre deux arbres. Un fou passe et l’interpelle :


Bonhomme, diz moi, si tu daignes,
Que regardes-tu en ce boiz ?


L’autre répond :


Je pense aux toiles des airègnes
Qui sont semblables à nos droitz ;
Grosses mouches en tous endroitz
Passent : les petites sont prises.


Le fou réplique sentencieusement :


Les petits sont subjects aux loiz,
Et les grands en font à leur guises.


Que d’inventions restent particulières à ce temps ! Au Châtelet on avait fait un parc planté d’arbres, où se jouaient des lièvres, des lapins et des oiseaux ; dans ce parc était un château avec ses tours, dont chaque créneau était gardé par un homme d’armes. Sur la terrasse était le lit de justice du roi, où siégeait « Madame Sainte-Anne. » — « Alors sortit du bois un grand cerf blanc qui remuait la tête et tournait les yeux ; » c’était pour rappeler la devise du roi. Un aigle et un lion s’avancèrent pour attaquer le cerf ; mais ledit cerf prit « le glaive de justice » sur le lit pour se défendre, et douze jeunes filles, l’épée à la main, vinrent aussi le protéger. Combien d’exercices, de jeux ! Sur le pont Notre-Dame, couvert et tapissé encore plus superbement que la rue Saint-Denis, on vit un Génois d’une grande adresse descendre tout à coup du haut des tours de Notre-Dame en voltigeant sur une corde tendue et portant deux flambeaux allumés. Au milieu de tout cela, que de chants aussi et que de rires ! Après une marche triomphale à travers les rues, le cortège que nous avons vu de Saint-Denis n’avait plus qu’à arriver à Notre-Dame, où les ducs aidèrent la reine à descendre de sa litière, et où elle était attendue par un clergé revêtu de ses plus somptueux habits. Après avoir reçu la couronne de ses mains, elle fit des offrandes d’un grand prix à l’église, puis elle fut ramenée au palais à la lueur de plus de cinq cents flambeaux. Ces promenades aux flambeaux n’étaient pas, on le voit, ignorées dès lors. Rien n’était moins nouveau d’ailleurs. L’antiquité les avait connues, et Florence dans ses fêtes en avait tiré de magiques effets.

Les fêtes appellent les fêtes. Cette soif ne s’éteint ni chez le roi, ni chez le peuple. Elle pousse Charles VI à des extravagances