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aime mieux avoir le régime parlementaire et qu’il lui est plus agréable d’être gouvernée par des ministres responsables que par César Borgia. Les peintres italiens ont bien raison de ne pas chercher à imiter des modèles inimitables ; mais on pourrait leur reprocher de ne pas assez exploiter l’admirable pays où ils ont le bonheur de vivre, et d’employer leur talent à traiter des sujets qu’ils empruntent aux pays étrangers. Si M. Cavalié de Bergame a peint une scène de la campagne de Rome où il a su mettre de l’étendue et de la solitude, et dans laquelle on ne trouve à reprendre que la couleur qui tire trop sur le chocolat, d’autres paysagistes ses compatriotes sont venus chercher leurs sujets sur les bords de la Seine ; Bougival est charmant, mais il faut le laisser aux Parisiens, qui savent seuls la manière de s’en servir. Si M. Domenico Induno nous montre dans un tableau adroitement agencé Victor-Emmanuel posant la première pierre de la galerie de Milan, MM. Pagliano et Didioni ont puisé leurs inspirations dans l’histoire de France, et ils ont représenté Napoléon annonçant ses projets de divorce à Joséphine. Les accessoires sont traités dans ces deux ouvrages avec une étonnante habileté de main ; mais M. Pagliano a donné au vainqueur de Wagram un air confit en suavité, et c’est la première fois que nous avons vu un Napoléon suave. Le Napoléon de M. Didioni s’éloigne après s’être expliqué avec Joséphine, et il a l’encolure d’un domestique qui emporte un plateau.

Deux artistes italiens de beaucoup de talent, fort connus et goûtés à Paris, sont représentés l’un et l’autre au Champ de Mars par une douzaine de leurs meilleurs ouvrages. Bien que M. Pasini soit né à Busseto, c’est la Turquie, c’est l’Orient qui l’attire et le séduit ; on ne peut pas l’en blâmer, il est devenu l’un des meilleurs orientalistes de ce temps. Personne ne connaît et n’interprète mieux que lui l’architecture des mosquées, les turbés, les cours de conaks, les faubourgs de Constantinople, les faces de pachas, les feredgés et les yachmaks. M. Pasini est un coloriste fort distingué ; mais il y a dans sa peinture beaucoup moins de lumière que de couleur, et quand il met en scène de nombreux personnages, le spectacle devient bien vite confus, cette foule fait paquet, et nous n’avons jamais vu de paquets en Orient. Il retrouve tous ses avantages lorsqu’il se contente de grouper discrètement quelques figures. Rien de plus charmant que sa Chasse au faucon, dans laquelle deux Arabes à cheval suivent du regard le vol de l’oiseau, si ce n’est sa Promenade dans le jardin du harem, où nous voyons la femme de quelque pacha traînant ses pas languissans dans un jardin bordé d’un mur merveilleusement maçonné, sur la crête duquel ramagent des colombes. Elle est escortée de ses esclaves dont l’une porte sa