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LES
TUILERIES ET LE LOUVRE
PENDANT LA COMMUNE

II.
L’INCENDIE DU PALAIS. — LA PRÉSERVATION DES MUSÉES DU LOUVRE


IV. — LE BOUVIER VICTOR BÉNOT.

Le lendemain 23 mai, après un doux sommeil comme en donne le calme d’une conscience satisfaite, Étienne Boudin se réveilla de belle humeur et s’aperçut qu’il avait soif. Il se mit alors en devoir de défoncer la porte de la cave du général de Courson, pensant qu’il y trouverait quelque vieille fiole à sa convenance. Il ne se trompait pas ; aidé de plusieurs camarades complaisans, il rafla neuf cents bouteilles de vins fins qui ne restèrent pas longtemps pleines, car tous les fédérés, les faux zouaves, les faux turcos, les faux marins, les vrais lascars, les véritables enfans perdus dont la cour des Tuileries était enguenillée eurent leur part du butin. Pendant cette journée. Boudin déploya une activité excessive, exalté, le fusil sur l’épaule, le revolver à la ceinture, encourageant tout le monde à la résistance, allant sans cesse des Tuileries à la place de la Concorde, titubant, jurant, terrifiant ceux qui l’approchaient. L’armée française avançait lentement, tâtant le terrain avant d’y mettre le pied, attaquant à l’aide de l’artillerie et ne risquant ses hommes qu’à coup sûr. Ses projectiles arrivaient de plein fouet jusque dans le jardin réservé des Tuileries ; lorsqu’un obus gémissant rasait la cime des arbres, les ramiers s’enfuyaient en tourbillonnant. Bergeret n’était point tranquille ; il regardait souvent vers