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sensations, à certains désirs, se reproduisent par la force de l’habitude et de l’association, toutes les fois que le même état d’esprit se reproduit, bien qu’ils ne puissent être alors d’aucun usage. C’est ainsi, par exemple, que les jeunes chats manifestent souvent le plaisir qu’ils éprouvent au contact d’une étoffe chaude et moelleuse, en la pressant doucement et alternativement avec leurs pattes de devant. Pourquoi? Parce que l’impression qu’ils ressentent alors est analogue à celle que provoquent en eux les mamelles de leur mère, et ces petits mouvemens par lesquels ils ont l’habitude d’exciter la sécrétion du lait et d’en faciliter l’afflux se sont associés dans leur esprit avec toute sensation de surface chaude et molle. Supposons que l’habitude ait été fixée par l’hérédité à travers une longue série de générations : certains mouvemens, accomplis d’abord volontairement en vue d’une utilité immédiate, peuvent devenir entièrement réflexes. — Qu’un bruit se produise à l’improviste tout près de l’œil, instinctivement il se ferme, fût-on d’ailleurs convaincu que la cause de ce bruit n’a rien de menaçant. Il est probable qu’à l’origine ce mouvement fut volontaire et qu’il eut pour objet, en face d’un danger imprévu, de préserver le plus précieux des organes, celui de la vision. Répété un nombre de fois incalculable, il s’est transformé en une action réflexe dont le ressort part pour ainsi dire tout seul, dès que se reproduisent des circonstances analogues à celles qui primitivement ont donné naissance à l’habitude héréditaire.

Le second principe est appelé par M. Darwin principe de l’antithèse. — S’il est vrai que certains états d’esprit entraînent certains actes habituels qui sont utiles, on comprend que, dans un état d’esprit directement contraire, on soit fortement et involontairement tenté d’accomplir des mouvemens absolument opposés, quelque inutiles qu’ils puissent être d’ailleurs. Considérez un chien en proie à la colère et qui se prépare à se battre; puis observez le même animal, humble et soumis, témoignant sa tendresse à son maître. Dans le premier cas, la démarche est droite et raide, la tête légèrement relevée, la queue dressée en l’air, les poils hérissés, surtout le long du cou et de l’échine, les oreilles dirigées en avant, les yeux fixes. Dans le second, l’altitude, par tous les détails, est précisément inverse ; le corps, presque couché, est agité de mouvemens ondulatoires; la queue, abaissée, remue d’un côté à l’autre, les poils, instantanément, deviennent lisses, les oreilles sont renversées en arrière; par suite, les paupières s’allongent, et les yeux perdent leur apparence arrondie et leur fixité. Ce même principe de l’antithèse explique le contraste qui existe entre la posture du triomphateur et celle du suppliant, entre les manifestations de la joie et celles de la tristesse ; en général, les expressions d’émotions contraires