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nombre de ces exceptions qui mettent la règle en lumière. Les comptes-rendus quinquennaux du conseil d’état publiés à partir de 1835 établissent en effet le nombre considérable des décisions ministérielles annulées, et même d’ordonnances royales et de décrets impériaux rapportés sur l’avis du conseil d’état.

C’est qu’on sentait qu’il n’était pas possible que, lorsqu’une décision sur un procès avait été préparée par des magistrats qui avaient examiné les pièces et entendu les observations orales des parties et du ministère public, une autre solution fût substituée, sur le rapport d’un ministre, à celle qu’avait adoptée le conseil d’état. Aussi l’usage s’était-il établi depuis longtemps d’appeler arrêts du conseil les décisions prises par le souverain sur la proposition du conseil d’état délibérant au contentieux.

Le respect que le souverain avait constamment professé pour les avis du conseil d’état, en exerçant sa prérogative constitutionnelle, conduisait à faire un pas de plus dans la voie des garanties données aux justiciables.

La loi du 3 mars 1849, rendue sur le rapport de M. Vivien, avait établi le système de la juridiction propre. Ce système a disparu, il est vrai, de 1852 à 1872; mais il a été consacré de nouveau par la loi du 24 mai 1872, qui donne au conseil d’état les pouvoirs d’une juridiction souveraine. Le législateur a pensé que le droit réservé au chef de l’état de signer les décisions rendues en matière contentieuse servait de prétexte à des critiques injustes contre la juridiction administrative, sans avoir des avantages pratiques. Il a cru que la juridiction propre exercée par les membres du conseil d’état, que leurs autres fonctions tiennent au courant des nécessités permanentes de l’administration et de ses difficultés passagères, offrait les garanties nécessaires aux justiciables et ne faisait courir aucun risque à l’intérêt public. Ce n’est pas tout. Les recours devant le conseil d’état ont été facilités dans beaucoup de matières par la dispense du ministère des avocats et des frais dus au trésor. Il y a là un point qui mérite quelque attention.

Dans l’organisation judiciaire comme dans l’organisation des juridictions administratives, il existe pour les parties un droit d’appel contre la décision rendue par le juge du premier degré. Seulement, en matière judiciaire, le législateur a craint que la garantie donnée aux plaideurs contre les erreurs ou l’arbitraire du premier juge ne tournât à leur préjudice et ne favorisât des manœuvres qui aboutiraient à retarder indéfiniment la solution des affaires. Quand l’intérêt en litige ne paraît pas valoir les frais d’un nouveau procès, il interdit l’appel. Il y a plus, il frappe d’une amende le plaideur