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ce qui entraîne la réfection du cadastre, de cette œuvre gigantesque qui a duré quarante ans et coûté 150 millions. Il n’y a que le cadastre qui puisse faire connaître exactement dans chaque commune la nature des cultures, les changemens qui se sont opérés, le produit actuel du sol, et ce n’est qu’avec ce travail exécuté d’ensemble sur toutes les parties du territoire qu’on sera en mesure d’apprécier ce qu’on peut légitimement demander en plus à la propriété foncière, et faire une répartition plus équitable de la taxe entre les départemens et les communes. Cette réfection du cadastre procurerait encore un autre avantage : elle constituerait selon quelques personnes, et notamment selon l’illustre et regretté M. Bonjean, le grand-livre de la propriété foncière. M. Bonjean a soutenu, dans un discours au sénat resté célèbre, que l’établissement de la propriété en France était aujourd’hui très difficile ; les parcelles ne sont pas suffisamment désignées; il en résulte beaucoup de procès, et c’est une des raisons pour lesquelles la propriété rurale n’a pas tout le crédit qu’elle devrait avoir et dont elle a pourtant si grand besoin. L’état des inscriptions hypothécaires aussi n’est pas facile à vérifier ; il en concluait qu’il fallait refaire le cadastre, non pas même pour y trouver une nouvelle source d’impôts ou pour établir la péréquation, mais seulement pour bien fixer l’état de la propriété foncière. Personne assurément ne peut contester l’utilité d’un nouveau cadastre. L’ancien cadastre, fait comme il l’a été pendant un laps de temps très long et terminé depuis déjà tant d’années, ne donne plus une indication exacte de la propriété rurale en France; beaucoup de cultures ont changé, les bruyères sont devenues des champs arables, les châtaigneraies des vignes, et des marais desséchés ont fait place à des terres, aujourd’hui très fertiles ; seulement, on est effrayé du temps que prendrait la rénovation du cadastre et de la dépense qu’elle entraînerait, et on se dit qu’après tout les résultats qu’elle donnerait ne seraient pas plus immuables que les précédens; de nouvelles inégalités ne tarderaient pas à se produire, et il faudrait encore les corriger. On a songé alors à faire la péréquation et à augmenter l’impôt foncier par d’autres moyens, à de tous les documens que possède l’administration et qui lui servent à se rendre compte du revenu réel de la propriété. On a pensé qu’en consultant les ventes, les baux, et, pour les terres qui sont exploitées par le propriétaire, en prenant pour base le produit de celles de la même nature et dans le même pays, on aurait des informations suffisantes pour arriver à un meilleur établissement de la taxe. Ce travail serait fait assez vite, ne coûterait pas très cher, et on pourrait le renouveler toutes les fois que cela serait nécessaire, en assurant pourtant