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grande importance dans les dernières années de l’empire, et que toutes les forces vives du paganisme semblent s’être alors résumées en lui pour lutter contre la religion nouvelle. On a découvert à Ostie non-seulement des restes nombreux de monumens mithriaques, mais un temple consacré à la divinité persane. C’était une sorte de chapelle domestique située dans la belle maison dont j’ai parlé plus haut, qu’on appelle le palais impérial. Elle est divisée en trois parties, non pas par des colonnes, comme il arrive dans les basiliques chrétiennes, mais par des différences de niveau. Chacune d’elles était réservée sans doute à des fidèles d’un rang différent : cette sorte de classement était naturelle dans un culte où la hiérarchie avait tant d’importance. La chapelle devait être fort élégante, si l’on en juge par les marbres précieux dont elle est pavée. En face de la porte d’entrée se trouve l’autel, élevé de quatre marches au-dessus du sol, avec les deux génies qui représentent les deux équinoxes, l’un qui tient un flambeau droit, l’autre un flambeau renversé. Au-dessus de l’autel on avait placé, selon l’habitude, une image du jeune dieu, la tête couverte du bonnet phrygien et sacrifiant le taureau. On en a retrouvé quelques débris à terre. Une inscription nous apprend « que la décoration de l’autel a été faite aux frais de C. Cœlius Hermeros, prêtre de ce sanctuaire. »

Ostie semblait être un terrain tout préparé d’avance pour le christianisme. On sait que les pays les plus religieux sont ceux où il s’est établi le plus vite. Les ports de mer, les villes de passage et de commerce, où se réunissaient des gens de toutes les contrées, où s’élevaient des temples à tous les dieux, où les cultes de l’Orient comptaient le plus de fidèles, lui étaient particulièrement favorables; aussi est-il probable que ses progrès furent très rapides à Ostie. Il y posséda bientôt deux sièges épiscopaux, l’un à Ostie même, l’autre à Portus Trajani, qui fut illustré par saint Hippolyte. Aujourd’hui le christianisme d’Ostie reste attaché pour nous à deux souvenirs importans qu’il est impossible d’oublier quand on visite ces ruines, le prélude de l’Octavius et la mort de sainte Monique.

L’Octavius est le premier essai d’une apologie chrétienne, écrite par un Romain, dans la langue de Rome; c’est encore aujourd’hui l’un des ouvrages les plus intéressans qu’on puisse lire. L’auteur, Minutius Félix, était un avocat et un homme du monde, qui vivait sans doute dans une société élégante et devait s’y plaire. Il s’adresse à des lettrés, à des mondains, et veut s’en faire écouter; aussi se garde-t-il de présenter ses opinions sous une forme aride et dogmatique qui pouvait rebuter des indifférens ; il leur dorme un tour agréable et cherche à piquer la curiosité des lecteurs par une mise en scène dramatique. Son livre est un dialogue où il met aux prises