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France et l’Italie un germe de discorde. À les entendre, c’était moins au triomphe moral pour notre politique qu’un piège tendu à notre légitime influence dans la Péninsule ; c’était le trait du Parthe que décochait l’Autriche en abandonnant une province qu’elle n’était plus en état de défendre.

Il est de fait que cette cession sans exemple dans les fastes de la diplomatie avait plus d’un inconvénient. En nous prêtant à la fiction autrichienne, nous annihilions l’action commune de la Prusse et de l’Italie et nous nous exposions à violer la neutralité moralement et même matériellement, car il suffisait d’un factionnaire français pour empêcher les Italiens de passer et pour rendre au général Benedek la disposition des troupes qui tenaient les forteresses.

Une lettre, trouvée aux Tuileries, nous montre qu’à l’heure où le programme de M. Drouyn de Lhuys se discutait à Saint-Cloud, le prince Napoléon s’employait de son côté à battre en brèche la politique d’intervention et à faire ressortir les inconvéniens d’une rupture avec la Prusse. « Rompre avec l’Italie, disait-il, ce serait la négation de toute la politique impériale ; ce serait défaire l’œuvre de 1859, rejeter l’Italie mutilée et exaspérée aux pieds de l’Autriche. Ce serait une politique désastreuse qui ne mérite pas d’être discutée. Vis-à-vis de la Prusse, la question serait sans doute plus délicate, on entraînerait une partie de l’opinion publique, mais M. de Bismarck, menacé sur ses derrières, ferait appel aux passions germaniques et proclamerait la constitution révolutionnaire de 1849. Quelles conséquences terribles entraînerait un tel acte, et dans quelle position il nous mettrait ! Ce serait au nom de l’équilibre européen que nous marcherions contre un peuple qui ne veut rien nous prendre, qui ne veut que s’organiser à l’intérieur comme il l’entend… Que ceux qui rêvent pour l’empereur le rôle de représentant de la réaction et du cléricalisme à faire triompher par la force le poussent à une alliance avec le cadavre autrichien et à une guerre contre la Prusse et l’Italie ! »

Ces considérations invoquées par le prince Napoléon en termes si véhémens devaient frapper l’empereur d’autant plus qu’elles répondaient à l’ensemble de ses idées, et qu’elles ajoutaient aux préoccupations pénibles que lui causait l’attitude imprévue de l’Italie.

La grande nouvelle qui à Paris avait fait pavoiser les fenêtres avait éclaté dans la Péninsule comme un coup de foudre. Les Italiens considéraient comme une insulte à leur dignité la détermination prise par l’Autriche. Elle les croyait donc capables de déposer les armes pour permettre à l’armée que leurs attaques retenaient dans le quadrilatère de se tourner contre leur alliée victorieuse ! Bien que battus, ils prétendaient qu’on leur dérobait l’occasion de gagner