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de chasser les insectes ; enfin les fruits passent pour avoir une propriété fébrifuge analogue à celle du quinquina.

Les services les plus importans peut-être que les eucalyptus puissent nous rendre sont ceux qui résultent de l’influence qu’ils exercent sur les conditions climatériques des régions où ils se trouvent. Leur puissance d’absorption est telle qu’ils dessèchent et assainissent les terrains marécageux, si bien qu’aujourd’hui il ne se crée pas un village en Algérie sans qu’on ne commence par mettre les habitans à l’abri des fièvres paludéennes au moyen de plantations d’eucalyptus. Ces propriétés fébrifuges ont été parfois mises en doute, mais elles sont aujourd’hui incontestables en présence des faits nombreux constatés en Algérie aussi bien qu’en Australie, et s’expliquent d’ailleurs facilement. En desséchant les marais, les eucalyptus empêchent la formation des miasmes qui s’en dégagent, et comme d’autre part leurs émanations éloignent les insectes, il est probable qu’elles produisent le même effet sur les animalcules qui paraissent être la cause première des fièvres paludéennes et probablement aussi des dyssenteries qui les accompagnent le plus souvent.

Au lac Fetzara, aux mines de Mokta-el-Hadid, les ouvriers employés aux exploitations ne pouvaient passer la nuit sur place et étaient obligés de quitter tous les soirs le centre de leurs travaux ; une plantation de 200,000 pieds d’eucalyptus sur les rives basses du lac a complètement transformé le climat et chassé là fièvre en même temps que les moustiques. Il en a été de même à la Maison-Carrée, près d’Alger, au pénitencier de l’Harrach, et sur un grand nombre d’autres points. L’Australie, dont l’eucalyptus occupe les quatre cinquièmes du territoire, est à l’abri des fièvres endémiques ou paludéennes, bien que, topographiquement et géologiquement, elle ne diffère pas des autres contrées. Cela est dû, d’après un rapport de M. Bosisto, à ce qu’elle est entourée d’une atmosphère imprégnée des émanations que les huiles et les acides volatils contenus dans les feuilles laissent échapper. Ces huiles, qui transforment une partie de l’oxygène de l’air en peroxyde d’hydrogène, provoquent la formation d’une grande quantité d’ozone qui assainit l’air ambiant. On peut du reste se convaincre de cet effet en laissant évaporer dans l’air vicié d’une chambre de malade ou d’une salle pleine de monde une certaine quantité d’huile d’eucalyptus; l’atmosphère se purifie aussitôt et la respiration redevient libre et facile. Quelles qu’en soient les causes, on ne peut méconnaître les propriétés sanitaires de l’eucalyptus, et à ce titre il faut considérer l’acclimatation de cette essence dans nos régions comme un bienfait pour l’humanité.