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l’histoire l’importance que personne encore ne lui avait reconnue, mais il terminait en concluant que cette opposition même fût restée stérile ou qu’à peine eût-elle engendré quelque fronde, si l’esprit littéraire ne s’en fût emparé, si l’esprit philosophique ne lui eût imposé sa complicité, si l’esprit révolutionnaire ne l’eût enfin absorbée pour la dominer d’abord et la détruire ensuite. C’est bien la thèse de M. Rocquain : seulement d’un chapitre unique de l’histoire du XVIIIe siècle, d’un chapitre adroitement encadré par son prédécesseur dans un tableau d’ensemble, il a fait tout un gros livre, il a prétendu faire l’histoire même du siècle et l’histoire des origines de la révolution, et c’est là qu’il est tombé dans le paradoxe. L’histoire, quoi qu’on en dise, n’est pas ni ne sera jamais une science. L’histoire est un art dont le secret, comme de tout art peut-être, est dans le choix et la mesure, dans le juste équilibre et dans l’harmonieuse proportion des parties. Car il est bien évident qu’en histoire tout tient à tout et que s’il est quelque part où toutes choses soient « causantes et causées, » c’est assurément dans ce vaste domaine où l’action des choses sur l’homme se mêle et se noue pour ainsi dire à l’action de l’homme sur les choses, elle-même compliquée de l’action de l’homme sur l’homme. Le difficile est de savoir s’arrêter à point dans cette recherche des causes, comme aussi de savoir se borner dans l’énumération des faits et l’accumulation des documens. Le récit le plus court est quelquefois le plus complet, rien de vraiment achevé n’est long. Parce que la révolution française est une suite naturelle, nécessaire de notre histoire nationale, remontera-t-on pour la mieux comprendre jusqu’aux premières origines de cette même histoire? et, parce qu’elle consomme dans le monde moderne la ruine du système féodal, remontera-t-on jusqu’à l’an 1000 pour y suspendre le premier anneau d’une chaîne de déductions infinies? Non, sans doute. Il aura suffi de quelques indications générales et rapides, et l’histoire des événemens ne commencera qu’avec l’événement lui-même. Je crains bien que M. Rocquain n’ait méconnu cette loi souveraine de la composition historique. Il manque à son édifice la proportion, à ses matériaux la mise en œuvre, à son travail la dernière main, qui manquent toujours aux œuvres d’érudition pure. A la vérité, s’il avait choisi pour son livre un tout autre titre que l’Esprit révolutionnaire avant la révolution, nous n’aurions rien ou presque rien à dire ; s’il avait mis à la première page : l’Opposition janséniste et parlementaire au dix-huitième siècle, à peine ferions-nous quelques réserves sur la méthode, sur la forme, sur quelques détails, — en somme rien d’important, et nous louerions volontiers la patience de l’érudit en même temps que l’intérêt et le bonheur de ses trouvailles. En effet, il y a des parties neuves dans