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les impatiences, à proposer en un mot à la sanction du pays cette république conservatrice et libérale, qui est la seule possible. Que le ministère ne craigne pas de porter cette politique devant le parlement, de la suivre dans toutes les affaires, de l’affirmer dans toutes les circonstances. Et qu’on nous entende bien : il ne s’agit nullement de provoquer ou d’engager des conflits personnels, des luttes d’influences pour la satisfaction des ennemis du régime nouveau, d’ouvrir, par exemple, des controverses avec M. Gambetta au sujet de ce qu’il a pu dire en dehors des chambres. M. Gambetta a beau être un personnage de marque et de crédit, il n’est après tout qu’un député éminent, il ne dispose ni de la France, ni de la politique du gouvernement, ni même peut-être des chambres, au moins autant qu’on le dit ; il a seul la responsabilité de ses discours et de ses actions.

Le gouvernement, quant à lui, n’a qu’une chose à faire : marcher d’un pas ferme sans se détourner de son chemin, avouer sans affectation comme sans subterfuge la politique de modération qu’il est décidé à suivre jusqu’au bout, éviter les questions ou les conflits inutiles, les emportemens et les représailles, faire appel à tous les appuis sincères et éclairés pour le bien du pays, dans l’intérêt des institutions elles-mêmes. C’est au gouvernement de rester le guide, il ne peut sans abdiquer subordonner son rôle à personne, il ne doit céder ni aux prétentions de prépotence, ni à l’entraînement des zèles compromettans, ni à l’effervescence des initiatives individuelles. Gouverner avec les chambres, oui, c’est la loi, rien de mieux : attendre toujours le mot d’ordre, ce n’est plus gouverner, c’est livrer à tous les hasards le crédit des institutions elles-mêmes ; — mais avec tout cela, direz-vous, trouvera-t-on une majorité ? Ne rencontrera-t-on pas sur son chemin des hostihtés, des défiances, des intérêts froissés ou des ressentimens qui un jour ou l’autre se coaliseront et rendront tout impossible ? Il est bien certain d’abord que, si on doute, si on se divise, si on veut tout ménager, si on se met à chercher la sécurité dans des transactions incessantes, il est bien certain que, si on procède ainsi, on n’arrivera à rien, on perdra l’autorité sans sauver l’existence. Si on marche résolument et d’un même pas, si M. le garde des sceaux, M. le ministre de l’intérieur, M. le ministre des travaux publics et leurs collègues s’adressent à la raison et au patriotisme des chambres en les intéressant au succès de la politique qu’ils ont défendue, si enfin on sait choisir son terrain pour les luttes où le gouvernement est en jeu, — que peut-il arriver de pire ? Le ministère tomberait sur le terrain qu’il aurait choisi ! Il serait la victime de ces puérils et inconséquens mauvais vouloirs qui provoquaient il y a deux ans la première retraite de M. Dufaure ! Ceux qui auraient renversé le cabinet seraient peut-être les premiers embarrassés de leur victoire, et ils seraient responsables de la