Page:Revue des Deux Mondes - 1878 - tome 30.djvu/128

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

des indices significatifs d’une méfiance réciproque qui n’ira qu’en augmentant. Le sens en est assez difficile à démêler par le fait de la suppression dans le texte d’une dépêche télégraphique de M. de Bismarck. Mais on devine qu’un gros nuage s’est déjà élevé entre Saint-Cloud et le quartier général.

L’empereur a rencontré à Florence une résistance à laquelle il était loin de s’attendre; il s’en inquiète, il s’en afflige; il ne s’explique pas que le roi Victor-Emmanuel, toujours si empressé à déférer à ses conseils, persiste malgré ses instances à poursuivre les hostilités et à le paralyser dans ses démarches. Il appréhende que le cabinet de Berlin, au lieu de tenir sa promesse et de consacrer toute l’influence que nous lui avions laissé prendre à presser l’Italie de signer l’armistice, ne l’encourage au contraire secrètement à ne pas désarmer tant que les annexions ne seront pas officiellement consenties. Le prince Napoléon, qu’on avait envoyé à Florence, certain qu’il serait écouté, se voit lui-même éconduit. Les renseignemens qu’il transmet ne sauraient plus laisser de doutes sur les menées du gouvernement prussien. L’empereur alors ne ménage plus ni les témoignages de sa méfiance ni l’expression de son mécontentement.

Le comte de Goltz devine d’où l’accusation est partie. Il soupçonne le prince Napoléon et ne s’en cache pas. Après avoir supplié l’empereur, qui « lui a témoigné tant de bienveillance et de confiance dans de délicates négociations, de ne mettre en doute ni ses sentimens personnels ni les tendances politiques de son gouvernement, » il lui fait très respectueusement observer que l’Italie a un plus grand intérêt que la Prusse à continuer la guerre, et qu’elle peut désirer, ainsi que ceux qui sont dévoués à sa cause, que la responsabilité ne retombe pas sur elle. En homme prudent, il ne se contente pas de protester contre de perfides insinuations. Il se hâte de saisir l’occasion qui s’offre à lui pour prendre acte, en tout état de cause, des promesses impériales et pour conjurer tout retour. « M. de Bismarck, dit-il incidemment, avec une intention marquée, venait de recevoir le télégramme par lequel je lui avais annoncé que Votre Majesté appuierait les annexions dans le nord de l’Allemagne jusqu’au chiffre de 4 millions d’habitans. »

Il était difficile de procéder avec plus d’à-propos.

Le rêve touchait à sa fin ; nous n’avions plus rien à attendre des événemens. Les résolutions s’imposaient. Trois voies restaient ouvertes à notre politique. Elle pouvait, satisfaite de la cession de la Vénétie et d’avoir fait accepter notre médiation, remettre à des temps meilleurs, avec des alliances toutes prêtes, et l’armée énergiquement reconstituée, le règlement général du compte que nous avions bona fide ouvert à la Prusse sans prendre les garanties nécessaires,