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pouvoir les saisir et les préciser, mais elles fuient, s’abritant derrière le souverain qui se tait et qui, dans son exil, poussera l’abnégation jusqu’à laisser publier des rapports politiques et militaires dont les révélations atteignent sa prévoyance[1].

A ce moment décisif, il était à Vichy, incapable de s’occuper d’affaires, et après une syncope, qu’un instant on avait crue mortelle, il s’en remettait au patriotisme et à l’expérience de son ministre des affaires étrangères, pour sauvegarder les intérêts du pays. Lorsque M. Drouyn de Lhuys, de sa propre initiative et cette fois en parfait accord de vues avec le ministre d’état, fit pressentir M. de Bismarck sur les compensations qu’il conviendrait d’assurer à la France, et rédigea les instructions qui prescrivaient à notre ambassadeur de réclamer Mayence et le Palatinat, il maintenait son programme du 4 juillet, en s’autorisant des assurances du cabinet de Berlin, qui n’avait cessé de déclarer qu’il ne serait procédé à aucun remaniement territorial en Allemagne sans une entente préalable avec la France. Il s’appuyait aussi, a-t-il affirmé depuis, sur les appréciations et les instances de sa diplomatie, qui non-seulement approuvait, mais provoquait en termes pressans des demandes de compensation auxquelles, disait-elle, on s’attendait à Berlin.


XI. — LES PRÉLIMINAIRES DE NIKOLSBOURG. L’ATTITUDE DE LA RUSSIE.

Le 22 juillet, les plénipotentiaires autrichiens, le comte Karoly et le baron Brenner, arrivaient à Nikolsbourg; notre ambassadeur les mit aussitôt en rapport avec M. de Bismarck et le général de Moltke, les deux négociateurs prussiens.

L’attitude de la Prusse s’était sensiblement modifiée depuis qu’elle avait obtenu de notre condescendance bien au-delà de ce qu’elle espérait. Elle n’en était plus à discuter le caractère de notre intervention ni à en mesurer les limites. Son intérêt était maintenant de nous transformer en véritables médiateurs et de nous laisser la responsabilité de ce rôle. Aussi M. de Bismarck demandait-il instamment à notre ambassadeur de prendre une part directe et officielle aux pourparlers qui allaient s’ouvrir. M. Benedetti s’y refusa. L’ironie du sort nous constituait les parrains de l’agrandissement de la Prusse; il ne pouvait nous convenir d’en être les garans.

L’issue rapide des négociations parut bientôt certaine. Dès la première

  1. M. Benedetti n’a public son livre qu’après l’avoir soumis à l’empereur et avoir appelé son attention sur les déductions que ses adversaires pourraient en tirer. Mais l’empereur déclara qu’il ne voyait en ce qui le concernait personnellement aucun inconvénient à ce que la vérité sur les événemens de 1866 fût révélée tout entière.