Page:Revue des Deux Mondes - 1878 - tome 30.djvu/137

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

La France, impuissante, n’interviendrait pas, si la lutte était reprise, et, pour se procurer un agrandissement, elle faisait litière de l’Allemagne du nord : telle était la moralité de la correspondance de l’ambassadeur du roi à Paris. C’était le vieux jeu de la diplomatie, toujours nouveau et toujours efficace, dont s’était servi le ministre prussien, et dont l’Autriche, elle aussi, dans des temps plus heureux, avait fait un fréquent usage.

Le cabinet de Vienne, après ces révélations, céda sur toute la ligne. Il ne songea plus qu’à sauver la Silésie[1] et le trône du roi Jean. Le salut de la Saxe lui tenait autant à cœur que l’intégrité de l’empire d’Autriche; pour l’assurer, il serait allé jusqu’à sacrifier en Silésie les vingt-cinq milles géographiques que demandait M. de Bismarck à titre de transaction, si le roi de Prusse n’avait pas repoussé cette combinaison. Il tenait à prendre la Saxe. Lorsque son ministre en revint à ses demandes premières, il n’était plus temps; il n’y avait plus matière à transaction, la France s’était mise du côté de l’Autriche y se rappelant, elle aussi, la fidélité saxonne aux heures néfastes de son histoire.

Nikolsbourg réservait de douloureuses épreuves aux ministres dirigeans des cours secondaires, si glorieux et si pénétrés de leur importance lorsqu’ils conféraient à Bamberg et à Würzbourg. M. de Pfordten surtout eut à pâtir de la morgue du vainqueur, qui lui exprima en termes hautains sa surprise de le voir audacieusement pénétrer au quartier général, et lorsqu’il fit observer qu’il n’avait eu qu’à décliner son caractère officiel aux avant-postes prussiens pour arriver sans difficulté au château de Nikolsbourg, M. de Bismarck s’écria : « C’est pour cela que j’ai fait mettre aux arrêts l’officier qui commandait le premier avant-poste, car son devoir était de vous empêcher de passer. »

Après quatre jours de pourparlers, on tomba d’accord sur les conditions principales, et la paix pouvait être considérée comme conclue. Il ne restait plus qu’à débattre des questions de détail. M. de Bismarck s’était montré aussi prévoyant qu’expéditif. Il avait expressément stipulé que les engagemens seraient ratifiés sans retard par les souverains, tout comme s’il s’était agi de l’instrument définitif. Il craignait des retours imprévus, et il lui importait d’être entièrement à couvert du côté de l’Autriche, avant d’être appelé à régler ses comptes avec la France.

Le 26 juillet, il signait à la fois les préliminaires et un armistice de quatre semaines, sans s’arrêter aux réclamations du ministre d’Italie, qui n’était autorisé à adhérer que sous trois conditions :

  1. Dès le 13 juillet, l’empereur François-Joseph avait déclaré au cabinet des Tuileries que l’Autriche préférerait courir la chance des armes et périr avec honneur plutôt que d’acheter son salut au prix d’une cession de territoire.