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vigoureuse couvre les pentes précédemment dénudées et des villages autrefois menacés d’être emportés sont aujourd’hui à l’abri.

Pour ne citer qu’un exemple sur les 199 périmètres en cours de reboisement, nous emprunterons au compte-rendu officiel la description des résultats obtenus dans le torrent de Sainte-Marthe dans le département des Hautes-Alpes. — « Tout se trouve réuni dans ce torrent pour y produire les effets les plus connus des torrens des Alpes. Le bassin de réception, entièrement dénudé, forme un entonnoir dans lequel les eaux, au moment des orages, se concentrent presque immédiatement. Cette masse d’eau se précipitant sur les pentes rapides arrachait d’abord aux flancs des berges supérieures des quantités considérables de pierres et de blocs de toute dimension. Plus bas, le tout se mélangeait des laves noires fournies par l’effondrement des berges inférieures, et cette espèce d’avalanche, se précipitant avec une violence à laquelle rien ne pouvait résister, venait déboucher dans le fond de la vallée à l’extrémité de la gorge qui forme le cône de déjection. Les plus belles propriétés des environs d’Embrun, d’une valeur d’au moins 300,000 francs, une route nationale avec un pont et des digues appartenant à l’état, d’une valeur de plus de 200,000 francs, un chemin vicinal de grande communication, tout était menacé de destruction. C’est dans ces circonstances que le torrent de Sainte-Marthe a été attaqué en 1865 : on y a établi deux cents petits barrages dont on a consolidé les berges avec des plantations, si bien qu’aujourd’hui le torrent est éteint et que les plus forts orages peuvent s’abattre sur le bassin sans produire d’autres effets que de gonfler les eaux, mais sans entraîner aucune matière. »

Les agens forestiers ont montré dans l’accomplissement de leurs devoirs un dévoûment à toute épreuve ; ils ont lutté contre les obstacles moraux et matériels qu’ils ont rencontrés avec une énergie digne des plus grands éloges et qui prouve qu’ils avaient conscience de l’importance de l’œuvre à laquelle ils collaboraient. Mais les résultats pris dans leur ensemble ont-ils répondu à leurs efforts et peut-on se dire que le reboisement des montagnes soit en voie de s’accomplir? Si l’on s’en tenait aux chiffres officiels la réponse ne serait pas douteuse et l’on n’aurait qu’à se féliciter des succès obtenus. Dans le dernier compte-rendu publié en 1877, le directeur général des forêts déclare que, de 1861 à 1875, la contenance des reboisemens facultatifs, effectués sur les terrains appartenant aux communes et aux particuliers, s’est élevée à 46,857 hectares, et celle des gazonnemens à 744 hectares. La dépense totale qu’ont coûté ces opérations a été de 5,152,137 fr. 32 cent., dans laquelle l’état est entré pour 2,857,788 fr. 21 cent. Quant aux travaux obligatoires, le nombre total des périmètres déclarés d’utilité