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geure d’une nation qu’on accuse toujours d’être un peu ambitieuse d’éclat, la gageure a été gagnée. Quelques mois durant, l’exposition a eu le privilège d’exercer un souverain attrait et pour ainsi dire de tenir tête à tous les événemens, même au congrès de Berlin, qui n’a peut-être pas eu autant de succès ou qui pourrait du moins être plus fertile en déceptions. Tout ce qu’elle pouvait donner, cette brillante exposition de 1878, elle l’a libéralement donné. Elle a été pour l’Europe comme une distraction heureuse, et pour nous-mêmes, pour nos partis, elle a été l’occasion d’une trêve nécessaire ; elle a révélé au monde qu’il y avait toujours une France prompte à se relever par le travail, et elle a prouvé à la France elle-même qu’elle peut tout espérer avec Cet esprit de concorde, ce respect des lois, ce sentiment de patriotisme dont M. le président de la république parlait l’autre jour. Grand résultat qui ne sera pas acheté trop cher, dût-il coûter encore quelques millions de plus à notre budget !

Maintenant c’est à peu près fini. Le rideau va tomber sur le grand spectacle, et si l’exposition a eu tous les succès possibles, toutes les fortunes sérieuses ou frivoles, si elle a été sous bien des rapports une diversion favorable, peut-être l’occasion de rapprochemens heureux, elle touche désormais à son terme. Si elle a voilé ou pallié pour un moment bien des diflicultés, elle ne les a pas supprimées ; elle les laisse après elle dans les affaires du monde, dans les affaires de la France elle-même. Qu’en sera-t-il de toutes ces complications avec lesquelles l’Europe est plus que jamais aux prises, qui encore une fois menacent de s’aggraver et de s’étendre ? Qu’en sera-t-il de nos propres difBcultés, de nos conflits intérieurs, de cette session parlementaire qui vient de se rouvrir, de ces élections sénatoriales qui sont déjà engagées, de la direction de toute notre politique ? C’est une situation nouvelle qui commence au moment où l’exposition finit. Après le rêve éblouissant du Champ de Mars et du Trocadéro, nous rentrons dans les réalités plus ingrates ou moins brillantes de la vie de tous les jours. Il faut s’entendre. Ce n’est point sans doute que l’exposition en finissant, en cessant d’être une diversion ou un frein, laisse particulièrement les affaires intérieures de la France en péril et ouvre tout à coup des perspectives de crises immédiates, sérieusement redoutables. Nulle part, dans les conditions de vie publique qui existent, il n’y a une apparence ou un symptôme de conflit violent. Le chef de l’état le constatait lui-même l’autre jour et tous les étrangers qui ont visité la France depuis quelques mois ont pu le voir : la paix règne dans les villes, les populations sont calmes et peu favorables à tout ce qui les agiterait. Les institutions qui ont été créées ont pour elles la force de la nécessité. La république, telle qu’elle a été organisée, reçoit une sanction nouvelle dans presque tous les votes qui se succèdent. Le gouvernement ne ren-