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nulle. La criminalité des adultes a une tendance à croître assez rapidement en Angleterre. En 1877, le chiffre des poursuites a été de 154,276, soit de 40,000 plus élevé qu’en 1866. Mais, ainsi que l’a fait très justement remarquer le lieutenant-colonel Ducane, directeur des prisons anglaises, l’accroissement de la criminalité dans un pays s’explique par beaucoup de raisons, au nombre desquelles figure d’une part une action plus énergique de la police et d’autre part la sévérité croissante des lois. Il n’y a donc pas à conclure de l’accroissement de la criminalité générale à l’inefficacité de la législation préventive de la criminalité chez l’enfance, et il est au contraire à remarquer que dans les prisons d’adultes le nombre des détenus âgés de moins de vingt-cinq ans n’est aujourd’hui que d’un quart, tandis qu’il était d’un tiers autrefois, ce qui suppose, au point de vue criminel, une amélioration dans les générations nouvelles. De plus le nombre des jeunes délinquans a considérablement diminué. Dans les premières années où l’acte sur les écoles industrielles a commencé à être appliqué, le chiffre annuel des infractions commises par les jeunes délinquans s’est élevé à plus de dix mille; il est aujourd’hui descendu au niveau de sept mille deux cents, et cela malgré l’application de plus en plus énergique de l’acte de 1866 provoquée par les school boards. Cette diminution ne peut donc s’expliquer que par une véritable diminution de la criminalité chez l’enfance, et il y a là un résultat assez concluant pour vaincre beaucoup d’incrédulité et pour nous déterminer à rechercher quelles sont parmi les dispositions de la législation anglaise celles qu’on pourrait utilement introduire dans la nôtre.


III.

Si l’on veut signaler avec profit dans la législation d’un pays étranger les dispositions qu’on croirait utiles de lui emprunter, il faut prendre son parti de renoncer à celles de ces dispositions qui, bonnes peut-être elles-mêmes, sont en contradiction trop directe avec la législation générale et avec les mœurs de notre propre pays; sans quoi l’on fait une œuvre stérile, car on ne rencontre pas dans l’opinion ce concours et cette adhésion qui sont nécessaires pour mener à bien la plus modeste réforme. C’est ainsi qu’il faudrait se garder, suivant moi, de prétendre introduire dans notre législation ces formules élastiques et vagues qui permettent aux magistrats anglais d’envoyer un grand nombre d’enfans dans les écoles industrielles, comme étant sans tutelle convenable ou fréquentant la compagnie des voleurs. Le législateur s’est toujours piqué en France de joindre dans les lois pénales la précision à la brièveté, et ce serait